Au milieu de la nuit, à l’heure où les rêves se forment, ceux de Raphaël semblent parfois s’évanouir. Dans ce Seven Eleven où il officie chaque jour de 23h à 7h du matin, ce docteur en théologie, balai en main, cherche une réponse au pourquoi de son quotidien. Arrivé de Rome il y a plusieurs mois, l’ancien prêtre catholique de 48 ans a depuis, quelque peu déchanté :
« J’ai quitté l’Italie car j’avais envie de tenter une nouvelle aventure. Comme je connaissais un ami ici, mon choix s’est porté sur la Colombie-Britannique où je pouvais vivre en tant que résident permanent. Depuis, c’est un peu compliqué. Je croyais qu’il était plus facile de trouver un emploi à Vancouver. Visiblement, il y a un décalage avec la réalité. Même pour trouver ce job de survie, j’ai dû pas mal chercher.» Pire, son doctorat et ses diplômes ne lui ont été d’aucune utilité.
« Au départ, je pensais suivre un programme à l’Université Simon Fraser afin d’obtenir la possibilité d’enseigner en Colombie-Britannique car je suis titulaire d’un master en philosophie. J’ai dû abandonner l’idée car ici, cette matière n’est malheureusement pas dispensée dans les établissements secondaires. Quant à la théologie, il s’agit d’un domaine très spécifique qui offre peu de débouchés dans la région. »
Après avoir pris des cours d’anglais, ce Congolais d’origine concentre désormais ses recherches dans le domaine du tourisme. Son large sourire masque tout de même une pointe d’inquiétude : « Je me donne jusqu’à la fin de l’année pour réussir. Si cela ne marche pas, je retournerai au pays » avoue-t-il, un brin fataliste.
Un retour aux études souvent nécessaire
Des histoires comme celle-ci, les conseillers du collège francophone Educacentre en entendent régulièrement aux travers des services d’aide à l’emploi qu’ils proposent. « Nous avons eu le cas d’un jeune homme titulaire d’une maîtrise en communication qui a accepté un poste de camionneur avant de refaire un complément d’études à l’Université de Colombie-Britannique pour pouvoir s’en sortir. » témoigne Alina Repede, conseillère en orientation.
« C’est tout le problème des diplômes étrangers. Certains ne sont pas toujours reconnus et il faut pouvoir justifier que la formation suivie et le savoir-faire sont conformes aux exigences locales. Cette situation se vérifie par exemple pour les médecins iraniens ou les infirmières françaises. Avant de pouvoir exercer dans leur domaine d’activité, de nombreux professionnels doivent donc passer un examen ou retourner à l’université pour obtenir la bonne certification. Le constat est également similaire entre les provinces canadiennes où les équivalences et les transferts de crédits peuvent être compliqués. Par exemple, il y a quelques années, le diplôme de psychologue ne nécessitait qu’une maîtrise au Québec alors qu’un doctorat était requis en Colombie-Britannique. Même si des efforts se font sentir, l’harmonisation risque de prendre encore plusieurs années.»
Avec 20% d’étudiants étrangers dont 70% d’Asiatiques (Statistique Canada, 2009), la Colombie-Britannique abrite ainsi au sein de ses universités d’anciens diplômés contraints de rejoindre les bancs de l’école. Au BCIT, pas moins de 2200 personnes sont originaires d’un autre pays.
« Beaucoup d’entre elles viennent pour recevoir une formation de remise à niveau ou une équivalence de leurs diplômes de façon à pouvoir trouver un emploi dans leur domaine d’activité » explique un membre de l’administration.
Pour ces personnes se pose alors la question du financement :
« Les coûts varient selon les filières mais les études s’avèrent être au moins 25% plus chères pour les étudiants étrangers dans la mesure où il n’existe pas de programme de subvention. Cependant, des bourses au mérite peuvent être octroyées. »
Du mérite, c’est justement ce qu’il faut pour réussir dans ces conditions. « Nous essayons de guider les diplômés étrangers dans leur recherche d’équivalence en les renseignant sur les démarches à effectuer. Toutefois, beaucoup se découragent car les procédures administratives peuvent être lourdes et les efforts à accomplir redoutables » souligne Alina Repene.
Directeur du collège Educacentre, Yvon Laberge rappelle tout de même à juste titre que la maîtrise de la langue est certainement la chose la plus fondamentale pour réussir professionnellement : « Le principal frein à l’emploi reste la barrière de la langue. L’anglais et le chinois demeurent incontournables sur le plan économique, même si le français occupe toujours une place prépondérante de par son caractère officiel. »
Ajoutons à cela qu’ici plus qu’ailleurs, les rencontres jouent un rôle déterminant dans le parcours professionnel. Dans ce contexte, la meilleure maîtrise qui soit reste celle du networking…