Pourquoi j’aime Winnipeg

Cathédrale Saint-Boniface - Photo par Jordon Cooper, Flickr

Cathédrale Saint-Boniface - Photo par Jordon Cooper, Flickr

Alors comment trouves-tu Winnipeg jusqu’ici  ? ». Pas une conversation entamée ici avec les gens que je rencontre sans que la question ne tombe, invariablement. Déjà presque quatre mois que je suis installé dans la capitale du Manitoba et j’ai l’impression que je vais devoir répondre à cette question pendant toute l’année qui vient. A voir les réactions immédiates de soulagement que je perçois chez les gens avec lesquels je discute, j’ai presque l’impression de faire une bonne action en avouant que oui, je me plais ici, pour l’instant. Comme si être Français combiné au fait de venir de Vancouver pouvait m’empêcher d’apprécier une ville qui semble lutter quotidiennement avec un complexe d’infériorité.

A en croire mes amis installés à Vancouver, si l’ennui était un pays, Winnipeg en serait la capitale. J’avoue moi-même avoir pris l’avion avec une certaine appréhension, ne sachant pas du tout ce que j’allais trouver quelque 2300 km plus à l’Est. Aucune des personnes m’ayant dressé un portrait peu flatteur de Winnipeg n’y avaient mis les pieds. Aujourd’hui, j’y vis, et j’y travaille. Aux dernières nouvelles, je m’y sens bien et surtout je peux dire pourquoi, ce qui est une sacrée satisfaction en soi.

Je ne pourrais pas dire que je suis tombé immédiatement sous le charme de Winnipeg au premier regard posé sur la ville. Mais peut-on tomber amoureux d’une ville au premier coup d’œil ? Poussiéreuse, sale, opprimée, ce sont les mots qui me sont venus en tête à mesure que je regardais Winnipeg venir à moi et m’engloutir alors que le taxi m’emmenait vers ce qui allait être ma maison pour les prochains jours. Je me rappelle avoir regardé les rues désertes avec inquiétude et m’être demandé à quoi elles ressembleraient cet été. J’avais toujours prévu de passer mon premier été canadien à Vancouver mais c’est finalement dans les Prairies que j’ai atterri. Je ne le regrette pas mais à l’époque, ce fut une surprise.

Pourtant, après ma première journée de travail, la première chose que j’ai faite a été de m’acheter un vélo. Je n’imaginais pas que ce serait mon viatique pour explorer Winnipeg. J’ai tout de suite aimé le quartier Exchange District, dans le centre-ville et c’est encore le cas aujourd’hui. J’aime me perdre la nuit au milieu de ces immeubles, vestiges des années 20, une époque où l’architecture “Chicago School” était le modèle urbain. En continuant un peu plus loin, délaissant les immeubles, je peux voir le pont Provencher qui s’étire devant moi, m ’accueillant à Saint-Boniface, le quartier français où j ’ai trouvé ma première maison. J’aime cette sensation de changer d’univers lorsque l’on voit le nom des rues écrits en français et que l’on reconnaît sa langue au détour d’une conversation captée à un arrêt de bus.

Ça fait maintenant quatre mois que j’ai commencé à explorer la ville et aujourd’hui, Winnipeg m’apparaît sous un jour différent. J’y ai mon coffee shop préféré, je sais où dénicher les meilleurs brunchs ou sushis en ville et si je veux regarder un film russe des années 80 en DVD, je sais où je peux trouver mon bonheur. Je suppose que j’ai maintenant mes repères.

Récemment, j’ai déménagé. Nouvelle maison, nouveau quartier. J’ai migré vers la partie anglophone de la ville, pour le meilleur, je pense. Je me suis trouvé une belle maison, une vielle dame distinguée qui a vu près d’un siècle d’histoire à Winnipeg. Je me prépare à affronter mon premier hiver canadien dans une ville qu’on surnomme allégrement “Winterpeg” et je dois dire qu’ayant vécu plus de cinq ans dans une île tropicale, cette expérience a un parfum d’exotisme qui ne me déplait pas.

Alors oui, pour toutes ces raisons et pour d’autres que je ne connais pas encore, jusqu’ici, j’aime Winnipeg.