Lors d’un séjour en France, vous rencontrez un Canadien titulaire d’un permis de travail jeune professionnel. Profitez-en alors pour demander un autographe car vous êtes en présence d’une personne exceptionnelle !
En effet, en 2011, le nombre de visas de ce type délivrés à des Canadiens dans l’Hexagone s’est élevé à…deux. A titre de comparaison, environ 2000 français avaient obtenu le Graal cette même année au Canada.
Un exemple qui révèle l’inégalité1 des flux migratoires constatés entre les deux pays dans le cadre du programme de mobilité des jeunes, et plus largement entre le Canada et la francophonie internationale. Instauré en 2003, cet accord bilatéral permet chaque année à 14 000 français ou canadiens de se rendre dans l’autre pays pour une durée comprise entre trois et dix-huit mois selon le visa (stages, jobs d’été, jeunes professionnels, vacances-travail, études).
Si le programme est une réussite, les traversées transatlantiques s’observent davantage vers le pays à la feuille d’érable. En effet, en France, les 6750 Permis-Vacances-Travail (PVT) pour se rendre au Canada, disponibles pour l’année 2012 se sont arrachés en deux semaines, tandis que seulement 975 places avaient trouvé preneurs en 2011 côté canadien. Même constat côté belge et suisse où les quotas, quoique bien plus faibles, traduisent la même inégalité .
Pour Yann Yochum, attaché de presse au Consulat général de France à Québec, « les chiffres sous-estiment la réalité car des étudiants partent sans visa ou sous un autre statut2, mais nous pouvons dire que les quotas ne sont atteints dans aucune des catégories. »
Bien évidemment, l’odeur des quelques 300 sortes de fromages présents en France ne saurait être l’unique facteur d’explication de ce déséquilibre.
Une envie d’aventure et des barrières qui font peur
Pour la plupart des expatriés, c’est la même envie d’évasion qui prédomine. Arrivé au Canada depuis deux mois, Christophe, ancien membre de la marine nationale, a déjà traversé le pays d’Est en Ouest pour finir à Vancouver. « Un collègue matelot m’avait parlé du PVT et je me suis dit pourquoi pas? C’est un pays immense regorgeant d’endroits fabuleux » .
Fred, originaire de Montréal, a quant à lui su joindre l’utile à l’agréable en rejoignant sa compagne française Emilie : « Je suis parti par amour mais aussi pour changer d’air et découvrir autre chose car la France m’a toujours intrigué » .
Pourtant, certaines contraintes incitent à la retenue, notamment pour les Canadiens. « Moins de Canadiens se lancent dans le PVT français car la langue peut faire peur », confie Isabelle, administratrice du site Pvtistes.net. « Les pvtistes français n’hésitent pas à aller au Canada car ils ont déjà un bon niveau d’anglais ou s’installent au Québec3. Du côté des Canadiens, cela peut être plus difficile s’ils ne parlent pas français. La plupart viennent donc des provinces francophones » .
Autre difficulté: l’emploi. Nombreux sont les Canadiens qui soulignent l’aspect plus fermé du marché hexagonal quand les francophones connaissent plus de facilités : « L’approche n’est pas la même », commente Emilie. Au Canada, où le réseau associatif apparaît plus développé qu’en France pour soutenir les jeunes expatriés, « on donne plus sa chance » .
A la découverte d’un pays et de soi-même
Sans surprise, les jeunes immigrants canadiens profitent de l’art de vivre à la française et notent aussi d’autres détails. Pour Amélie, 22 ans, la France, c’est la possibilité « d’argumenter sur n’importe quoi avec n’importe qui » . Fred, de Montréal, apprécie « la franchise des gens » . Mathieu, qui vivait à Toulouse, souligne lui « l’importance du côté revendicateur, si absent au Canada et essentiel dans une démocratie » .
Enfin, Emilie, de Toronto, salue quant à elle « la qualité du réseau SNCF qui emmène les voyageurs partout » .
Un tableau toutefois pas idyllique comme l’attestent les commentaires trouvés sur le site pvtistes.net dans la rubrique des trucs qui gonflent en France. Les Français, parfois « chauvins », font souvent preuve « d’incivilité » et ne respectent pas toujours « le désir des femmes ». Les relations au travail, quand « les grèves » ne l’interrompent pas, apparaissent trop « hiérarchisées » . Le pessimisme ambiant est également décrié: « Les Français qui se plaignent nous donnent envie de rester chez nous tellement leur portrait de la France est grotesque et négatif », peste Amélie.
Côté canadien, le sens civique est unanimement reconnu, de même que le diversité culturel et la tolérance envers les autres. La facilité pour trouver un logement, la qualité des infrastructures et le niveau des salaires sont les autres principaux atouts.
En revanche, Elise, comme beaucoup d’autres français, peste contre « le prix de l’alcool » vendu hors supermarché, « les prix affichés hors taxes » et l’aspect parfois superficiel des relations.
Hormis la découverte d’une société, l’aventure offre surtout la possibilité de se connaître davantage. « C’est très formateur et révélateur de notre personnalité », témoigne Marie-Eve, de Montréal. « J’étais très renfermée et je m’épanouis peu à peu » . Ils sont bien d’autres dans ce cas. Plus d’un côté que de l’autre…
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1 Les Belges bénéficient de 750 places. Les Suisses de 250.
2 Officiellement, 1640 canadiens sont venus étudier en France en 2011.
3 Selon, CIC, plus de 1000 français s’installent chaque année en Colombie-Britannique avec un PVT.
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