Depuis une douzaine de jours c’est le printemps. Et je ne m’en étais même pas aperçu. Je vis sur une autre planète. Je vis dans ma bulle.Je deviens maboul.
Les quatre saisons, cette année, vont me passer sous le nez. Vivaldi, évidemment, ne sera pas content. Et au grand désarroi d’Igor Stravinski, je risque de manquer, encore une fois, le sacre du printemps. J’entends déjà le printemps sacrer après moi.
Dommage car j’aime le printemps. Il amène des changements. Il nous oblige à sortir de nos tanières et à faire peau neuve. C’est le temps du renouveau. Le monde se refait une beauté. Les poètes se laissent aller. Leurs vers sortent de terre. Ils ne peuvent plus se taire.
Le printemps est leur laissez-passer et l’hiver, leur laissé-pour-compte. Poètes amateurs : à vos plumes. À vous de jouer. Rappelez-vous : c’est en poètant qu’on devient poèton.
Malheureusement, le printemps n’est pas qu’une affaire de poésie. La preuve : c’est au printemps que les allergies, comme les hirondelles, sont de retour. Allergie au pollen ou, dans mon cas, allergie à la politique. Les néo-démocrates me font éternuer, les libéraux me font tousser et les conservateurs me donnent la nausée.
C’est aux premiers jours du printemps que le gouvernement de Monsieur Harper a sorti son nouveau budget. Selon ce dernier, le programme d’austérité auquel nous allons devoir faire face s’est, par la magie des mots, transformé en politique de création d’emplois et de réforme sociale.
Et mon cul c’est la face cachée de la lune ? Les conservateurs nous prennent pour des imbéciles. Ils n’ont peut-être pas tort puisqu’on les a élus. Ils ne veulent pas nous faire avaler des poissons d’avril, ce qui aurait été de circonstance, mais des couleuvres !
Ils veulent nous faire prendre des vessies pour des lanternes ou, si vous préférez, histoire d’être plus printanier, des pissenlits pour des marguerites. Excusez-moi, mais celle-là j’ai du mal à l’avaler. Je ne la digère pas. Ce n’est, toutefois, pas la seule mauvaise herbe difficile à ingurgiter ces jours-ci.
Ainsi, c’est en ce début de printemps que le parti NPD vient de se choisir un nouveau chef : Thomas Mulcair.
Je ne sais pas si c’est sa barbe, son désir de pousser le parti vers le centre, ou encore, sa réputation d’avoir un sale caractère, qui me le rendent moins sympathique que ses prédécesseurs…
Vous allez me dire qu’il ne faut pas se fier aux apparences. Qu’il faut laisser sa chance au coureur. Bien que l’habit ne fasse pas le moine, il faut quand même reconnaître que le moine, d’habitude et heureusement pour nous, doit porter des habits. Question de décence. Question de bon sens.
Thomas Mulcair serait un pragmatiste. Une sorte de socialiste à la Tony Blair. Si c’est le cas, il y a dans l’échiquier politique canadien une niche à combler : celle d’une véritable gauche.
“Puisque de la floraison des cerisiers japonais pour entrer dans l’histoire. Ce printemps pourrait être le vôtre”
Puisque la position centriste du Parti Libéral semble être menacée, Bob Rae pourrait, une fois n’est pas coutume (ne riez pas), changer de camp et profiter de l’occasion pour remplir ce vide à gauche.
Ce serait, dans son cas, passer l’arme à gauche. Mais il est encore beaucoup trop jeune pour cela. Les libéraux ont besoin de lui pour donner un semblant de dignité à leur parti.
Peut-être que Gilles Duceppe, malgré ses récents déboires, aimerait tenter sa chance. Après tout, sous l’influence des verts, nous devrions envisager une politique de recyclage. L’ancien chef du Bloc en bénéficierait.
De toute évidence, il nous manque dorénavant, une véritable gauche. Une gauche vraiment de gauche. Si vous êtes intéressés par le projet d’en créer une, n’attendez pas le printemps prochain. Agissez dès aujourd’hui.
Profitez de la floraison des cerisiers japonais pour entrer dans l’histoire. Ce printemps pourrait être le vôtre. Il appartiendrait à une longue lignée de printemps célèbres. Rappelez-vous : le Printemps des peuples, aussi nommé le Printemps des révolutions (1848), qui inspira tant d’autres printemps.
Pensez au Printemps de Prague (1968). Porteur d’un espoir socialiste à visage humain, il s’est terminé par l’invasion des chars soviétiques. Néanmoins, quelques décennies plus tard, ce vent révolutionnaire, bien que réprimé, porta ses fruits. Ce ne fut pas peine perdue. En fait en 68, le Printemps était chaud partout dans la vieille Europe.
Plus récemment encore : le Printemps arabe qui avait débuté en décembre 2010, a entraîné la chute de plusieurs dictatures. Adieu Ben Ali, Moubarak, Kadhafi et, qui sait, peut-être, sous peu, ce printemps, Al Assad…
Le printemps a donc un beau palmarès. Il peut être fier de lui. Il prouve ainsi sa raison d’être. Je ne peux m’en passer. De ce pas, je vais en profiter. L’hiver est mort. Vive le printemps !