Du changement oui, mais pas à tout prix

Serge Corbeil

Serge Corbeil

Comme disait l’autre, « ce n’est pas fini avant d’être fini ». Nos voisins albertains l’ont très clairement démontré la semaine dernière. Les résultats des élections générales, qui ont vu le Parti progressiste-conservateur gagner un douzième mandat consécutif, sont sans équivoque sur cet aspect. Alors qu’il y a à peine deux semaines le Wildrose Party semblait se diriger vers une victoire, la machine aux épouvantes s’est mise en marche. Et elle a réussi à convaincre plusieurs électeurs de faire marche arrière. Cette élection, les conservateurs l’ont gagnée dans le dernier droit.

Car il ne faut pas s’y méprendre. Je sais que l’on a fait le procès des sondeurs aux lendemains de cette élection. Ceux-ci, comme les gérants d’estrades ont eu beaucoup de plaisir à le répéter, avaient prédit une secousse sismique dans le paysage électoral albertain. Pourtant, les troupes de la chef des conservateurs, Alison Redford, sont sorties de la bataille électorale avec une victoire décisive. Les prédictions ne se sont pas réalisées, c’est le moins que l’on puisse dire. Mais, cela veut-il nécessairement dire que les sondeurs ont perdu toute crédibilité ? Pas du tout.

“Il est clar qu’un bon nombre d’électeurs sont soudainement devenus frileux vis-à-vis du Wildrose Party de Danielle Smith”.

En fait, les sondages internes des conservateurs démontraient, pas plus tard que la semaine précédant le vote, que leur parti vivait peut-être ses derniers jours au pouvoir. Selon un sondeur du Parti progressiste-conservateur, le sondage quotidien réalisé pour la formation a commencé à montrer des signes encourageants dans les trois der-
niers jours de la campagne. En fait, le samedi avant le jour fatidique, trente pour cent des électeurs ont répondu qu’ils réfléchissaient maintenant à leur choix final. Un nombre très élevé qui rend tout possible. Et ce sont les troupes de la Première ministre Redford qui ont été les heureuses récipiendiaires de cette réflexion de dernière minute.

Ce mouvement s’est soudé si rapidement que les sondeurs n’ont même pas eu le temps de le percevoir lorsqu’ils ont pris le pouls de l’opinion publique, pour la dernière fois dans la campagne. Bien sûr qu’ils ont cru constater un resserrement de la bataille électorale, mais rien ne laissait présager une victoire sans équivoque pour les conservateurs. Ainsi, la dynastie a survécu.

Danielle Smith, chef du Wildrose Party d'Alberta

Danielle Smith, chef du Wildrose Party d'Alberta

Il est clair qu’un bon nombre d’électeurs sont soudainement devenus frileux vis-à-vis du Wildrose Party de Danielle Smith. Dans les derniers jours de la campagne, de nombreuses voix se sont élevées et ont vite été propagées dans les médias sociaux. Ces voix laissaient clairement entendre que des électeurs traditionnellement acquis au Parti libéral songeaient à larguer leur formation et à voter pour les conservateurs pour bloquer la route au Wildrose Party. Il est clair que les intentions se sont transformées en geste concret.

La preuve, c’est que le vote du Parti libéral s’est effondré à la faveur du Parti conservateur. C’est surtout évident lorsque l’on observe les résultats dans les deux grands centres que sont Calgary et Edmonton. Le Wildrose Party devait absolument y aller d’une percée dans ces deux villes pour former le gouvernement. Ce qui, on le sait, aurait été un événement d’une rareté exceptionnelle dans la province de l’or noir. Un autre élément de preuve qui donne de la crédibilité à l’hypothèse d’un mouvement contre le Wildrose est le taux de participation qui a fait un bond substantiel de 16% par rapport aux élections de 2008.

Mais, le Wildrose devra vite réaliser que ces décisions de dernière minute prises par les électeurs ne se sont pas matérialisées sans raison. La campagne du Wildrose a été confrontée à des révélations inquiétantes de certains de ses candidats. Elles ont eu pour effet, avec raison, de profondément inquiéter les électeurs de cette province.

Cette campagne a aussi démontré sans l’ombre d’un doute que chaque jour d’une campagne électorale compte. Il ne faut jamais cesser de travailler avant la fermeture des bureaux de scrutin.