De jeunes volontaires de police déposent des certificats de prévention de vol sur les voitures des particuliers. Vendredi, 2h15 du matin, Maria Yang rentre chez elle après sa journée de travail. Il lui faut marcher vingt minutes et traverser un parc au milieu de la nuit noire. Pourtant elle ne presse pas le pas. « Ici, même la nuit, j’ai l’impression que je ne crains pas grand-chose ». Il est vrai que, selon les données de la police en 2010, la Colombie-Britannique a atteint son taux de criminalité le plus bas en 30 ans. Une tendance qui se confirme depuis 7 ans avec 84 infractions pour mille habitants, majoritairement dirigées contre la propriété.
Rien d’étonnant selon le professeur en criminologie Robert Gordon, pour qui il y a trois raisons à cela. « La population vieillit or, le groupe présentant le plus de risques de criminalité rassemble les hommes de 14 à 26 ans », explique-t-il. La seconde explication réside dans une meilleure prise en charge de la prévention. La police organise par exemple des programmes d’information. Enfin des stratégies de réduction de la violence ont été mises en place conjointement entre la police et les différentes communautés, l’idée étant d’identifier les délinquants gênants en rapprochant les gens. « Par exemple à Surrey, où nous avons détecté des problèmes de vol ou d’effraction, plusieurs caméras de surveillance ont été installées et sont surveillées par les habitants eux-mêmes ».
Les gangs, un “phénomène de mode”
Le taux d’homicide ou de criminalité avec violence reste quant à lui très bas, « quelques cas isolés comme celui du tueur en série Robert Pickton, condamné en 2007, ont cependant fait bondir le chiffre », souligne le directeur de l’école de criminologie à l’université Simon Fraser. A cela s’ajoute aussi les gangs qui peuplent notamment l’Eastside de Vancouver et son centre-ville souvent liés au trafic de stupéfiants. Car le problème de la criminalité à Vancouver est une conséquence directe de la circulation de la drogue. Robert Gordon tient d’ailleurs à souligner : « L’instauration de la prohibition a créé un véritable monstre, particulièrement ici en Colombie-Britannique où la drogue est très présente et attire de nombreux gangs ».
“Ces gangs urbains de Vancouver ne sont pas territoriaux et ils s’indentifient plutôt suivant des axes ethniques et de spécialisation criminelle…” Ministère de la Justice du Canada
« Ces gangs urbains de Vancouver ne sont pas territoriaux et ils s’identifient plutôt suivant des axes ethniques et de spécialisation criminelle plutôt que suivant des limites géographiques. Plusieurs gangs peuvent être actifs dans le même secteur géographique mais les guerres de territoire sont rares », analyse le ministère de la Justice du Canada.
« Eviter de stigmatiser un groupe ethnique »
Parmi les origines pointées du doigt, les Autochtones, dont les jeunes qui ont quitté les réserves éprouvent des difficultés à s’intégrer dans cette nouvelle société. Sont aussi représentés les différents visages qui composent les communautés asiatiques. A l’instar des Indo-Canadiens très impliqués dans l’économie liée à la consommation, production et vente de drogue.
Cependant Robert Gordon met en garde quiconque d’établir un raccourci trop rapide. « La drogue est liée à un problème de société. Il faut éviter de stigmatiser un groupe ethnique. Regardez le nombre de Vancouvérois originaires d’Asie? De même, les Indos-Canadiens sont là depuis que Vancouver existe. Tout est donc question de proportion ! ».
Et comme pour appuyer cette idée le ministère de la Justice rappelle quant à lui l’existence des United Nations, un gang de rue comptant des membres d’origines ethniques très variées. Jusqu’ici reconnus comme des milieux masculins, les gangs de Colombie-Britannique comptent de plus en plus de femmes parmi leurs membres. Souvent de bonnes familles, elles sont attirées par l’argent facile et pensent être protégées par leur statut de femme. Une erreur comme le prouve l’assassinat de Betty Yan en 2009, lors de la fameuse guerre des gangs. Si les années 40 et 50 ont été marquées par l’émergence massive de ces groupes sans réel but sinon un lien culturel, Robert Gordon y voit aujourd’hui un phénomène de mode. « Vous savez, chacun veut faire partie d’un groupe auquel s’identifier, les gangs ne sont pas tous réellement dangereux. C’est un peu comme avec le cobra. Tant qu’on ne le taquine pas, il reste calme. Mais gare à qui rôde trop près. Une étincelle suffit à faire exploser la poudrière ». Les célèbres Hells Angels font partie de cette catégorie. Ils ont compris leur intérêt à rester discret et éviter de retrouver leur nom dans les journaux.
Gare à la banalisation de la violence
En ouvrant au hasard l’un des gratuits distribués en ville, petite et grande délinquance s’étalent dans les pages. « Souvenez-vous du proverbe cher aux médias : si le sang coule, le sujet rapporte », ironise le spécialiste. L’accent mis sur ce type d’information altère la perception de la violence, mais ce dont il faut se méfier est plutôt de l’ordre du divertissement. « Une grande partie de la population passe son temps libre devant sa télévision. Or, que voyez-vous dans les émissions de prime time ? Des séries telles que Numbers, Bones, CSI… » Elles sont même à portée de clic désormais et banalisent la violence.
Mais il se refuse à pratiquer une politique de la peur et dans les couloirs silencieux de l’école de criminologie, il rappelle à qui oublierait trop vite : « La Colombie-Britannique est grande comme la France avec la démographie de l’Irlande. Alors proportionnellement, nous sommes une province très pacifique ».