Les gouvernements majori-taires sont libres de proposer au Parlement les projets de loi qu’ils veulent et de les faire adopter, gracieuseté, bien entendu, de leur majorité. Il n’y a rien dans ce fait qui doit nous alarmer.
Toutefois, il y a une distinction à faire entre utiliser sa majorité pour mettre son empreinte sur les lois du pays, et l’utiliser pour éviter qu’aient lieu les débats de fonds nécessaires au bon fonctionnement d’une démocratie.
Les conservateurs de Stephen Harper ont récemment marqué le premier anniversaire aux commandes d’une majorité. Sans grande surprise, le gouvernement a utilisé cette majorité pour rapidement faire adopter des mesures législatives qui lui sont chères depuis belle lurette. On pense au registre des armes à feu, auquel il a mis fin, et aux différentes mesures contre la cri- minalité qui font en quelque sorte sa marque de commerce.
Il ne faut donc pas s’étonner des mesures législatives mises de l’avant par le gouvernement fédéral. Plusieurs y voient un gouvernement qui abuse de son statut à la Chambre des communes, mais il n’en est rien. Certaines des mesures qui fi-gurent à son programme législatif avaient été introduites lorsque le gouvernement Harper était minoritaire. On ne peut donc ignorer le fait que ce n’est pas hier la veille que le gouvernement conservateur a mis les cartes sur la table quant à son orientation idéologique. Cela est sans contredit le cas au sujet des mesures visant la loi et l’ordre et le processus d’évaluation environnementale pour les projets majeurs, entre autres.
Mais encore une fois dans le cas de ce gouvernement, ce n’est pas nécessairement ce qu’il fait qui en amènent plusieurs à sourciller, mais plutôt la façon dont il décide de faire les choses. Par exemple, le gouvernement a décidé d’utiliser son projet de loi visant à faire adopter le budget pour aussi y inclure une ri-bambelle d’autres mesures législatives. Ainsi, la Loi sur l’emploi, la croissance, et la prospérité durable, de son nom officiel, est un projet massif qui est utilisé un peu comme fourre-tout législatif qui en mène large sur bon nombre de fronts qui n’ont rien à voir avec le budget ou autres mesures visant le régime fiscal.
En fait, le projet de loi en question touche 69 lois canadiennes. Il met fin à la participation canadienne au protocole de Kyoto, modifie la Loi sur les pêches, et apporte des changements aux normes d’évaluation environnementale pour ne nommer que ces mesures.
Il y a bien entendu un risque avec cette approche. Si le gouvernement fédéral ne fait pas attention, il pourrait rapidement se dessiner un portrait d’un gouvernement qui ne laisse peu de place aux débats sur ses propositions législatives. Bien souvent, ce genre de message est interprété par la population comme un signe qu’il y a quelque chose que le gouvernement veut cacher; qu’il essaie, en fin de compte, d’en passer une vite aux électeurs.
Pour l’instant, avec quand même au moins trois autres années à son mandat, il est clair que le gouvernement fédéral considère que cette question est bien loin des préoccupations quotidiennes des Canadiens. Et, lorsque l’on consi-dère la tourmente économique et sociale dans laquelle se retrouve tant de pays dans le monde, les conservateurs fédéraux font certainement le pari que la relative tranquillité vécue chez nous saura faire oublier tous ces petits irritants législatifs.
En ce sens, il y a un certain savoir faire politique dans cette approche. Il faut mieux y aller avec des mesures impopulaires dans les deux premières années d’un mandat. La prochaine année nous en dira long sur la suite des choses.