Du haut de ses 91 ans, Marie Novak a été témoin d’un peu moins d’un siècle d’histoire canadienne. De la grande dépression des années 30 à la seconde guerre mondiale, en passant par l’arrivée de la première télévision, Marie aurait beaucoup à raconter aux jeunes générations sur la réalité économique, historique et sociale du Canada.
Mais Marie n’est pas qu’un témoin de l’histoire, elle est aussi cette femme qui a décidé de se convertir à la religion musulmane à l’âge de 89 ans. Retour sur la trajectoire de cette aînée atypique dont les convictions religieuses rythment aujourd’hui la vie.
Les 22 et 23 septembre prochain, ainsi que le 7 octobre, la mosquée de Richmond accueillera la 9ème édition d’une compétition où les participants s’affronteront au travers d’un récital basé sur leur capacité de mémorisation du Coran.
A l’issue de cette rencontre, les gagnants remporteront un prix d’excellence. Cette année, sœur Marie Novak y assistera en tant qu’observateur à titre d’invitée et non en tant que participante. Depuis 3 ans, Marie s’est totalement investie dans l’apprentissage de l’Islam. Son engagement est tel qu’elle commence à apprendre l’arabe oral et écrit: « j’ai abandonné l’écrit, à mon âge c’était difficile, mais j’ai appris les prières ». Elle suivra également le Ramadan dans son intégralité. Cette année, Marie est exemptée pour des raisons évidentes d’âge.
Rien dans la longue vie de Marie Novak ne laisse présager sa rencontre avec la religion musulmane. En effet, c’est au mois de mars de l’année 1921 qu’elle voit à Winnipeg au Manitoba. Son enfance se déroule durant ce terrible chapitre de l’histoire de l’Amérique du Nord, la Grande Dépression.
Cette période particulièrement obscure pour le Canada et les Etats-Unis marque la fin des années 20 et s’étend à travers l’ensemble des années 30. Des milliers de familles ne trouvent pas d’emploi. Les périodes de disette sont leur lot quotidien. Nous sommes en 1930 et Marie se souvient : « il n’y avait rien dans les magasins, on faisait sécher les pommes et les abricots, tout était à base de céréales. La débrouillardise et la frugalité étaient de mise . On vivait de la récolte du jardin que nous cultivions ». C’est cette pauvreté noire qui amene la famille de Marie à déménager en Colombie-Britannique.
A cette époque, Marie n’était qu’une jeune adolescente et la Colombie-Britannique est loin de l’image qu’on lui connaît aujourd’hui. A son arrivée, Marie vit à Abbotsford: « à cette époque, il n’y avait que des terres de cultivateurs, sans prison, et juste des arbres. Langley n’était qu’un bout de route et la transcanadienne, un projet qui ne verra le jour qu’en 1967 ».
Durant de nombreuses années, Marie suit sans faillir à l’église catholique, son mari, aujourd’hui défunt. La messe est donnée en latin, Marie ne s’y retrouve pas. « Trop stricte » explique t-elle.
Aujourd’hui, elle vit à Maple Ridge. Elle prendra sa retraite à 70 ans, après avoir exercé un moment la profession de coiffeuse. En 2009, elle effectue un voyage aux Emirats arabes unis pour rendre visite à sa fille. C’est lors d’une soirée de Noël qu’elle rencontre un pratiquant musulman d’origine égyptienne. Cet évènement marque un tournant dans sa vie. Avant son retour pour le Canada, il lui offre un cœur gravé du nom d’Allah en arabe.
Un grave accident sonne comme une mise en garde pour Marie. A Maple Ridge, une mosquée se trouve juste à quelques jets de pierres. C’est en faisant ses courses qu’elle croise une femme voilée. Marie l’aborde et lui demande comment prier. Désormais initiée, l’Islam devient sa boussole: « plus j’étudie l’Islam, plus mon esprit se développe, je suis heureuse, je n’ai pas d’inquiétude. Je me suis tournée vers l’Islam pour me sentir libre ».
Aujourd’hui, Marie est une des figures les plus ferventes de sa communauté, au point qu’elle souhaite à sa disparition être inhumée dans un cimetière musulman.