Carte postale horticole de Victoria

Jardins

Tout nous arrive droit au cerveau, surtout les pensées, mais quand votre regard atterrit sur un objet, une image ou une plante fleurie dont le nom vous échappe ou la beauté vous interpelle, c’est à ce moment que l’enquête commence. Je ne sais plus quelle direction prendre, mais vu que nous traversions en août dernier une période légèrement caniculaire, je me suis dit : allons vers l’eau ! Mais voilà, en cours de route je me laisse distraire par ces gens droits ou courbés, que je vois affairés à jardiner. Ils sont peu nombreux, çà et là, en ce matin estival, à vouloir arroser ce qu’ils possèdent d’espoir de récolte.

De loin, ce lot de jardinets m’annonce la présence d’une certaine abondance de formes et de couleurs. Bon, intéressant, je m’oriente vers l’une des entrées pour découvrir et admirer de plus près l’objet de tant d’efforts. Mais comme vous le savez, dans un tel lieu, il y a de tout, comme il en existe dans toutes les activités humaines. Voici, je me retrouve au beau milieu d’un jardin communautaire. J’en observe un en particulier qui me semble très réussi. J’y remarque des structures de soutien pour faciliter la croissance de certaines plantes et une utilisation combien judicieuse de l’espace. Lorsque vous détenez 15 mètres carrés pour cultiver, tout est calculé et vous devez faire preuve d’ingéniosité. Je suis étonné de l’acharnement avec lequel certaines gens parviennent à faire de leur petit potager urbain, un succès économique et esthétique.

Ce couple, très minutieux, ce n’est pas la première fois que je l’observe, possède un petit véhicule motorisé de fabrication allemande. Ils ont hérité d’un lot abandonné par le précédent occupant. À part le sol, déjà prêt à être cultivé, tout était à réaliser, de la semence à la récolte. Mais voilà, je suis agréablement surpris par la symétrie particulière et l’abondance qui se profile. De nos jours, on parle beaucoup de potager de subsistance et d’auto-suffisance alimentaire. Cependant, cet homme et cette femme ont l’air plutôt des gens à la fois à la retraite et passionnés, mais dont le loisir principal est, vous l’aurez deviné, le jardinage presque quotidien. Oui, jardiner, c’est beaucoup une affaire de disponibilité.

Il y a de la pluralité alimentaire dans ces jardins potagers. Des gens modestes, jeunes ou moins jeunes qui visent à optimiser, le temps venu, le fruit de leur labeur et dont le succès n’est pas toujours assuré. Cette apparition “d’urbainculteurs” et “d’urbaincultrices” est un phénomène en partie cyclique à intensité variable. On y cultive avec imagination, que l’on soit au niveau du sol ou sur les toits. Durant les conflits ou en temps de crises, il y a toujours eu cette pratique obligatoire de subsistance. De l’agriculture paysanne ou conventionnelle, nous sommes passés à celle de la mondialisation d’une industrie alimentaire. Ici, comme dans bien d’autres villes et villages, l’acte de jardiner cache plus qu’un désir d’économiser sur le panier d’épiceries. Il signifie une volonté d’acquérir un savoir-faire à travers des lectures, des réflexions, des échanges d’informations et une bonne dose de pratique.

Une fois sortie de ce potager, je poursuis ma route, pour ensuite atteindre l’océan. Admirables ces montagnes si souvent à la merci des nuages. J’y remarque des camions réfrigérés et des citernes de carburant en attente, chargés d’approvisionner deux bateaux de croisière amarrés dans le port. Je me dis qu’il faut bien plus que quelques jardins communautaires en production pour nourrir les vacanciers à bord des ces opulents navires sur l’océan. Ils sont comme un estomac flottant ceinturé par le Break Water d’Ogden Point. D’un côté, le plaisir de jardiner jusqu’à la récolte, et de l’autre, des calèches, deux triporteurs, trois autobus, dix taxis, des marcheurs. Les plaisanciers de la mer nous arrivent, plan de la ville d’une main et caméra de l’autre.

Le tout se passait durant le 150ème anniversaire de la capitale provinciale quand Victoria accueillait, nourrissait et divertissait ses invités.

Normand Hébert est un ainé francophone de Victoria. Horticulteur passsionné, il s’intéresse de très près à la mise en place et à l’entretien des jardins urbains sur l’Ile de Vancouver. Vous pouvez consulter son blog sur les merveilles du jardinage: http://louisjardin13.blogspot.ca