De la fusion du zodiaque en Colombie-Britannique

Photo per Jean-Baptiste Lasaygues

Une étude menée par une maison de sondage montre que 25% de la population canadienne considère que la position des étoiles et des planètes peut affecter leur vie. C’est donc, quoi qu’on en dise, un fait social qu’on ne peut ignorer. A la rencontre de quelques jeunes adultes de Colombie-Britannique, explorons la manière dont ils consultent les augures et perpétuent, sous de nouvelles formes, cette pratique éternelle.

Au croisement des rues Broadway et Laurel, les personnes qui entrent chez Gina, la “voyante aux yeux mystiques” ne sont pas nombreuses. Le vert de ses enseignes en néon n’en cesse pas moins de clignoter et si on s’attarde à la terrasse d’en face, il n’est pas rare de surprendre des conversations sur la voyante aux pratiques éclectiques, qui rassure, identifie les risques et prévient des dangers encourus pour une soixantaine de dollars par heure.

« Je suis allée la consulter une fois et elle a pu voir qui, dans mon entourage, me menaçait et agissait contre moi. Depuis quelques temps, je me doutais bien de quelque chose. Ce qui m’a convaincu dans son pronostic, c’est qu’un astrologue hindou m’avait dit la même chose lors d’un voyage en Australie », peut-on entendre.

L’Est embrasse l’Ouest

Saumya est arrivée du Brunei il y a quinze ans pour s’installer en Colombie-Britannique où elle étudie les Sciences humaines à l’université Simon Fraser, quand elle ne répète pas des chorégraphies de films d’Hollywood. « Moi, je fais un mix entre l’astrologie chinoise et occidentale. Je lis parfois mes horoscopes pour voir le potentiel de la semaine, du mois ou de l’année ». A lui parler, on perçoit vite un esprit rationnel qui n’invite pas à voir en elle une inconditionnelle des présages venus du ciel pour orienter son destin. D’abord, parce que pour elle, même si elle consulte son horoscope, il n’affecte pas ses pensées « les prédictions ne sont pas absolues mais dépendent de la manière dont la personne qui les consulte va conduire son action ensuite ». Contradiction d’emblée chez Saumya. La culture dans laquelle elle évolue rejette, depuis quelques siècles déjà, l’agencement mystérieux d’étoiles comme déterminant du destin. Mais Saumya par­vient à se mouvoir avec aisance au milieu de ce syncrétisme de superstitions tantôt parallèles, tantôt discordantes. Surtout, ne pas légitimer publiquement l’astrologie; c’est là le garde-fou. Une fois cette précaution prise, ouvrir un magazine ou une page web et voir un peu ce que dit le zodiaque. « Alors, cette semaine, chance, prospérité ? Comment faire pour que, en tant que coq, le déséquilibre entre les forces et les faiblesses que décrit mon horoscope chinois, soit adoucit par l’eau, mon élément dans l’horoscope occidental ? ».

La fidélité dans l’astrologie ne semble pas monnaie courante et les professionnels ont dû s’adapter. Diane, professeur de danse le reconnaît : « En fait, je ne connais pas d’astrologues à plein temps qui ne font que ça. Ceux que je connais personnellement le font comme loisir et lorsque ce sont des professionnels, ils le combinent avec le tarot, la voyance. L’astrologie devient alors secondaire. » Une activité en désuétude ? Pas si certain, du moins grâce aux jeunes.

Se donner de l’espoir et du réconfort

Mais alors, quelle fonction remplit l’astrologie des magazines féminins, partout sur le web et dans les émissions de radio ? Comme Saumya, Diane qui a quitté le Québec avec ses parents il y a vingt ans pour s’installer en Colombie-Britannique, se sent également concernée par l’astrologie. Occidentale pour elle. « Je lis mon horoscope, mais c’est pour m’amuser. Il n’interfère pas dans mes choix ou mes comportements, sauf peut-être qu’il m’amène à être plus attentive aux détails de la journée et à leurs possibles significations par rapport à l’ensemble de ma vie ».

Mais elle ajoute aussi : « Si je rencontre quelqu’un et que je découvre que c’est un poisson, je me rappelle que, par rapport à mes expériences et à ce que j’ai lu sur les signes du zodiaque, les poissons sont sensibles et ils ont tendance à s’échapper dans des mondes imaginaires. Je suis donc plus prudente avec eux, jusqu’au moment où je les connaîtrai mieux ».

Saumya, lorsqu’elle prend de la distance avec ce phénomène chez les jeunes de sa génération, elle analyse : « Je pense que les jeunes se sentent davantage concernés par l’astrologie parce qu’ils sont inquiets quant à leur place dans la vie. Ils se demandent s’ils vont être capables de trouver l’amour de leur vie. Lire leur horoscope peut leur donner de l’espoir et du réconfort ».

Si pour les adeptes de l’astrologie occidentale, la quête d’orientation, de sens surtout chez les jeunes, semble prédominer, les pratiques hindoues ont, quant à elles, une action immédiate sur le cours des choses. Elles revêtent une valeur de prière visant à envelopper l’objet, l’évènement, les relations de bon augure. C’est une tradition fami­liale importante que les jeunes générations partagent avec les plus anciennes.

La mère thaïlandaise et le père québécois de Diane ne s’intéressent pas du tout à l’astrologie. Pour cette différence entre les générations, Diane met en avant une dimension technologique : « C’est simplement plus facile de trouver des informations à jour grâce au web que ça ne l’était du temps de nos parents ». Saumya ajouterait sans doute qu’ils devaient être moins anxieux quant à leur avenir. Jeunesse et incertitude étant indissociables, on peut prédire, même sans boule de cristal et sans carte, que les astrologies d’Orient et d’Occident combinées, ont un brillant avenir devant elles.