Des radios pour tous, et pas seulement pour la majorité, où tout le monde est représenté et peut s‘exprimer sans tabous, et qui diffusent de la musique non commerciale. Cet idéal de la radio communautaire née dans les années 70 n’a pas pris une ride. Face à l’individualisme ambiant et au sentiment d’isolement des citadins, les lieux d’expression alternatifs ont la côte et jouent un rôle important dans l’économie sociale à Vancouver. En témoigne la candidature de Roundhouse Radio, nouvelle radio communautaire qui attend la décision du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) afin d‘émettre sur les ondes du Grand-Vancouver. De l’amateurisme au professionnalisme Du début de la radio communautaire en pleine période de la parenthèse enchantée, il ne reste que l’esprit: celui d’offrir la parole aux personnes qui n’ont pas accès à l’espace publique. Fini le temps des studios improvisés dans les garages, les techniques de diffusion ont depuis bien évolué. Les quatre radios communautaires que compte Vancouver (Co-op, CIVL, CJSF et CITR) émettent en bande FM. Leurs bénévoles sont des experts et passionnés dans leur domaine. « Nos 350 volontaires sont formés aux lois régissant la radio, mais aussi aux techniques de production » explique Leela Chinniah, Directrice de la Programmation chez Co-op, Radio qui reconnaît que l’enjeu est de taille. « L’équilibre entre offrir la parole à tous et créer des programmes de qualité est le plus gros défi pour les radios communautaires. » Mais la balance semble avoir été trouvée et certains bénévoles cumulent les années d’expérience. « Certains sont avec nous depuis plus de 30 ans et animent ou produisent toujours la même émission », continue Leela. Une programmation éclectique Co-op diffuse plus de 90 programmes différents. La moitié sont des émissions de paroles et une dizaine sont en langues étrangères. Les sujets sont variés, traitent d‘une communauté particulière ou de thèmes tels que l‘art, la politique, la société, la musique bien sûr, ou encore la cuisine. Roundhouse Radio met aussi l’accent sur la programmation d’émissions parlées en promettant 80% du temps d’antenne. Du côté des radios étudiantes, même son de cloche. CIVL qui émet de Langley à Abbotsford, diffuse des programmes en punjabi, hindi, espagnol, polonais et mandarin. « Chez CJSF, vous pouvez écouter de la poésie, des discussions autour de la femme, de l’environnement, des interviews d’artistes, ou encore des tables rondes scientifiques ou technologiques » développe David Swanson, coordinateur des programmes. La musique, qui est une composante importante de ces radios jeunes, a la part belle avec une playlist allant de la musique classique au métal. Des émissions comme Krispy Bisket sur CJSF, qui propose du hip hop en live, ou Mood Swings sur CIVL sont très populaires. Malgré l’absence de chiffres précis, CJSF parle de 2500 auditeurs simultanés et CIVL de 1500 visiteurs uniques sur leur site internet. Des modèles économiques viables 2,8 millions de dollars de bénéfices en 7 ans. C’est l’objectif que s’est fixé Rounhouse Radio si elle obtient l’accord du CRTC d‘émettre sur les ondes. Cette candidate se décrit comme une radio commerciale à portée communautaire. Les recettes seront donc publicitaires mais l’objectif de départ semble bien celui de servir le plus grand nombre. « Nous sommes un collectif de personnes expertes en médias et notre volonté est de créer une radio capable d’inclure toutes les personnes qui vivent, travaillent ou s’amusent à Vancouver, avec des informations locales » assure Shelley Zavitz, directrice des opérations. Ce serait donc un nouveau modèle de radio communautaire qui se dessinerait si Roundhouse obtenait l’accord d’émettre, puisque chez les radios déjà existantes, les recettes publicitaires sont minoritaires (CITR et CIVL). Elles sont mêmes inexistantes pour Co-Op et CJSF, radios à but non lucratif, qui vivent de dons, des cotisations de leurs membres et de subventions publiques.
Pour l’heure, les radios communautaires traditionnelles ne semblent pas se préoccuper de l’arrivée possible d’une radio commerciale à but communautaire. Loin d’être concurrentes, les quatre radios vancouvéroises se disent complémentaires. Elles se réunissent une fois par an avec l’ensemble des radios communautaires du pays lors d’une grande conférence organisée par l’Association Nationale des Radios Etudiantes et Communautaires (NCRA) et s’échangent même des ressources. L’absence de chiffres concernant les audiences, et donc l’absence de pression, leur permettent de continuer de diffuser sans trop se poser de questions, excepté celles de la qualité et de la représentativité de tous. Pour Roundhouse Radio, le verdict du CRTC tombera le 27 janvier prochain.