La désinformation au Canada, plus fréquente et dangereuse qu’on ne le croit

Il existe un nombre croissant de journalistes au Canada et à l’étranger qui font l’objet de menaces et de campagnes de salissage visant à discréditer leur travail. Les attaques personnelles sont également à la hausse en cette période où la désinformation est florissante. Pour comprendre ce phénomène et proposer des solutions, le Centre de recherche Global Reporting de l’Université de la Colombie-Britannique a proposé un projet pour donner suite à son enquête, réalisée en 2022, sur les campagnes de dénigrement contre les journalistes.

Hassan Laghcha
IJL – Réseau.Presse – Journal La Source

À la lumière du sondage effectué en 2022 sur la pratique journalistique, au Canada et à l’étranger, 63 pour cent des journalistes subissent des attaques personnelles sur leur réputation au moins une fois par mois. Devant la gravité de la situation, le gouvernement fédéral a décidé de financer une vingtaine de projets à travers le pays afin de contrer le problème croissant du harcèlement des journalistes et celui de la désinformation en ligne.

L’un de ces projets, réalisé par le Centre de recherche de l’UBC, sera de comparer la situation qui sévit dans les salles de nouvelles canadiennes, en comparaison à celle d’autres pays. Cette démarche permettra aussi de cerner les efforts internationaux ciblant le Canada et de mettre en lumière les tendances mondiales ayant une incidence sur les médias et la démocratie au Canada.

Évènement public : comment réglementer l’internet ? (février 2023). (Crédit : CSDI)

Une enquête aux résultats inquiétants
Dans son enquête de 2022, le Global Reporting Centre a mis en lumière comment les attaques à la réputation des journalistes leur portent un préjudice, en plus d’être une atteinte à la liberté de la presse. Les auteurs de cette enquête estiment que les tentatives pour discréditer les journalistes sont nombreuses et bien documentées, par contre, il existe peu de recherches sur l’impact de ces attaques sur leur réputation, leur sécurité personnelle et leur autonomie professionnelle.

Au total, 645 journalistes de 87 pays ont participé à ce sondage. Outre les attaques qu’ils subissent à tous les mois, 19 pour cent ont déclaré y être confrontés quotidiennement. Fait comparatif intéressant, des sondages similaires sur les atteintes à la réputation des politiciens et des fonctionnaires publics révèlent un taux de 72 pour cent, et ce, au moins une fois par mois.

S’il est certes facile de s’attaquer aux messagers, plutôt qu’aux messages qu’ils communiquent, la profession de journaliste se voit exposée davantage sur les médias sociaux. « Ces attaques se produisent fréquemment en ligne et peuvent inclure une série d’insultes dans les commentaires exprimés sur Twitter jusqu’aux accusations erronées dans certaines poursuites judiciaires et même lors de campagnes de salissage sophistiquées utilisant des clips vidéo fabriqués de toutes pièces. »

Ces campagnes nocives ne sont pas sans effet puisqu’elles alimentent abondamment les médias sociaux. Les auteurs du sondage affirment également « que ces agressions contre la pratique du journalisme peuvent expliquer un certain recul de la démocratie dans le monde. »

Hausse de la désinformation organisée
Par ailleurs, le professeur Chris Tenove de l’UBC admet qu’il est essentiel d’examiner le phénomène de la désinformation et le harcèlement que subissent les journalistes et divers agents d’information sous plusieurs angles. Il fait référence notamment à l’hostilité et aux attaques qu’ont subies les communicateurs dans le secteur de la santé durant la pandémie de la COVID. « Il y a également, souligne-t-il, d’autres travaux de recherche qui se poursuivent dans ce dossier, notamment sur l’usage de diverses formes d’hostilité et de harcèlement auxquelles les communicateurs en santé sont confrontés et leurs impacts ».

Le Canada peut-il vraiment se prémunir contre les effets nocifs des campagnes de dénigrement contre les professionnels de l’information ? Selon l’expert de UBC, Chris Tenove « le niveau d’éducation élevé des Canadiens, le degré de confiance envers les institutions démocratiques, les standards journalistiques et le travail professionnel des journalistes avantagent le Canada en comparaison à de nombreux autres pays. »