La voix magnétique de Shweta Jhaveri emplit le Western Front

Shweta

Shweta Jhaveri | Photo par Western Front

Si tu veux contrôler le peuple, commence par contrôler sa musique », avançait Platon. Parfois considérée comme vecteur de transcendance ou arme de contestation contre l’ordre établi, la musique peut déranger ceux qui tiennent les rênes du pouvoir. Mais avant que ne se fixe par écrit la construction musicale, cette dernière avait constamment été improvisée. Si désormais des règles viennent régir le jeu musical, certaines cultures ont mis l’improvisation sur un piédestal. Se laisser guider par la spontanéité, l’inspiration du moment, voire le hasard, est le propre de la musique traditionnelle indienne. La performance de Shweta Jhaveri et celle en première partie de Neelamjit Dhillon Quartet à Western Front le 15 mars prochain viendront le témoigner.

Un apprentissage méticuleux
Dès l‘âge de 6 ans, Shweta Jhaveri a débuté le chant. Signe sans doute avant-coureur, son nom symbolise Saraswati, la déesse de la musique. Originaire du Gujarat en Inde, Shweta s’est spécialisée dans le Khyal, un style musical classique caractéristique du nord du pays.

Elle a suivi très tôt et pendant plus de 20 ans les enseignements très stricts d’une gharana, celle de Pandit Jasraj. Dans la musique hindoustanie, ces écoles regroupent des musiciens de même influence afin de leur enseigner le raga. Indispensable à la maîtrise de la musique classique indienne, le raga se fonde sur des règles védiques pour définir comment doivent être construites les mélodies.

Ce cadre qui va jusqu’à déterminer le moment du jour, la saison et le sentiment pour la mélodie adéquate, offre un nombre infini de variations basées sur un ensemble de notes prédéfinies.

Quant à Neelamjit, originaire du Punjab, né à Vancouver, il a dès l’âge de 10 ans pu se familiariser avec les tablas et le saxophone à l’Université Capilano. « J’ai longtemps tenu à séparer les 2 instruments afin de pouvoir maîtriser les nuances de chaque tradition », raconte-t-il. Il parfait actuellement son éducation musicale, doctorant en musicologie au California Institute of the Arts.

Le dialogue de l’improvisation
« Faire venir ces deux artistes est une occasion unique de croiser deux approches originales de musique traditionnelle indienne et jazz », s’enthousiasme DB Boyko, directrice musicale à Western Front. « Lorsque j’ai entendu Shweta Jhaveri, j’ai été fascinée par son approche de l’improvisation. Une version très codifiée certes mais le rendu est juste incroyable », poursuit-elle.

Genre majeur de la musique indienne savante, le Khyal qui se traduit par « imagination » se construit autour d’une ligne mélodique sans élément harmonique. Les chants, généralement courts, pas plus d’une quinzaine de lignes, fournissent le matériel de base pour improviser. Sur des morceaux parfois longs d’une demi-heure, les mots perdent de leur pertinence, l’improvisation vient alors combler la monotonie. Surtout que toute la musique traditionnelle indienne est réglée sur 12 tons ajoutant une multitude de variations infimes et émotives.

Et Shweta Jhaveri excelle en la matière. Elle s’évertue à créer de nouvelles mélodies avec les mêmes mots, entraînant dans son sillage une forme de transe qui laisse son public transi.

Neal Dhillon

Neellamjit Dhillon

De même pour le Neelamjit Dhillon Quartet qui propose un mélange hybride de jazz et de musique traditionnelle, laissant les instruments dialoguer entre eux, inspirés par l’instant présent.

A l’occasion du centenaire de l’incident du Komagata Maru, qui a vu le rejet de 376 migrants indiens arrivés par bateau à Vancouver, Neelamjit présentera son projet du même nom.

« Nous devons être conscients de cette histoire et de la façon dont elle reflète le présent et les injustices infligées aux minorités. Nous avons encore et toujours besoin de dialoguer et incitons les autres à le faire. La musique est pour moi le moyen le plus efficace de se rapprocher de l’idéal du cosmopolitisme canadien », témoigne-t-il.

Savoir s’entourer
Shweta Jhaveri, en tant que première femme du Gujarat à avoir produit de la musique indienne classique à l’étranger, a très jeune enregistré avec des musiciens du monde entier. La voix qu’elle prête dans le film Dance of the Wind en 1997 la fera connaître par-delà les frontières. C’est également à elle que l’on doit en 2013 la musique de The Wisdom Tree de Suril Shah.

Le 15 mars prochain, elle sera accompagnée de Sunny Matharu |aux tablas et Mohan Bhide à l’harmonium. Un accompagnement minimaliste mais efficace qui permet de poursuivre la mélodie chaque fois que Shweta Jhaveri reprend son souffle.

Le Neelamjit Dhillon Quartet compose, lui, avec davantage d’instruments. Un ensemble qui réunit des musiciens de Colombie-Britannique de différentes générations et fait la fierté de Neelamjit : « c’est un rêve pour moi que de jouer avec des musiciens que j’ai admirés depuis si longtemps. » Chris Gestrin sera ainsi au piano, André Lachance, à la basse et Dan Gaucher à la batterie.

Mecque de la musique expérimentale contemporaine depuis maintenant 40 ans, le Western Front prouvera une fois encore par cette performance qu’il laisse la chance à l’improvisation.

Agenda

Guizhou China : In The Season of New Rice
Du 1er au 30 mars
Tous les jours de 10h à 16h30
Ouverture de l’exposition le 1er mars de 14h à 16h
Vancouver Chinese Garden
578 rue Carrall, Vancouver
Gratuit

Une exposition de photographie originale qui explore la vie dans les villages aux prises à l’urbanisation grandissante de la Chine contemporaine.

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Dreary and Izzy
Du 6 au 15 mars 2014
Du lundi au samedi à 20h
Le mardi 11 mars, représentation supplémentaire à 13h
Les samedis 8 et 15 mars représentation supplémentaires à 14h
Studio B
6500 rue Gilbert, Richmond
604-270-1812
Place de 30$ à 39$

Suite à un drame familial, deux sœurs, dont l’une sur le point d’entrer à l’université et l’autre adoptée, autochtone et en proie à l’alcoolisme, tentent de se reconstruire. Deux évènements majeurs viendront révolutionner leur vie.

En partenariat avec Persephone Theatre, Saskatchewan Native Theatre Company et Western Canada Theatre.