Face aux constats alarmistes, l’innovation vaut mille lamentations ! Tel est le message du journaliste et environnementaliste Chris Turner dans son dernier livre sorti le mois dernier, How to Breathe Underwater : Field Reports from an Age of Radical Change, qui rassemble quinze de ces articles parus entre 1998 et 2012. Il sera l’invité du Vancouver Institute, le 29 novembre, à UBC, pour une lecture publique. Rencontre avec un fin observateur de son époque.
La Source : Comment vous est venue l’idée de votre dernier livre ?
Chris Turner : Ce livre est une compilation de 15 de mes articles parus dans divers magazines, de 1998 à 2012. Ce n’est pas un roman, ni un ensemble de nouvelles. How to Breathe Underwater retrace 15 ans de ma carrière de journaliste. Je ne l’ai donc pas à proprement parler écrit. Ce n’était pas mon idée au départ. Mon éditeur m’a suggéré de le faire. Cela m’a enthousiasmé, je me suis lancé.
L.S. : Comment avez-vous choisi ces articles ? Pourquoi avoir sélectionné ceux-là plus que d’autres ?
C.T. : Je voulais présenter une vision globale des évolutions majeures qui ont chamboulé notre monde au cours de ces deux dernières décennies. Et ce, à bien des niveaux. Je pense bien sûr à l’émergence d’Internet qui est, selon moi, la seconde plus grande révolution en guise de moyen de communication après l’imprimerie. Je souhaitais également montrer l’impact de l’activité humaine sur notre planète. De tous les articles que j’ai écrits sur ces sujets, ce sont mes préférés. Je suis fier de chacun d’eux.
« J’aime capter des moments de vie »
L.S. : Vos récits sont de longs articles dans lesquels vous vous mettez en scène, à la limite du roman sauf que tout ce que vous racontez est réel. C’est un genre particulier en journalisme, un genre que vous affectionnez particulièrement…
C.T. : Quand j’étais adolescent, je lisais beaucoup de magazines, dont Rolling Stone qui publie énormément d’articles de ce genre. Je me suis informé de la sorte. Les géants du genre, tels que Hunter S. Thompson et Tom Wolfe, m’ont éduqué. Quand j’ai commencé à écrire à mon tour, j’ai voulu les imiter. Capter des moments de vie, saisir des endroits comme le font les photographes mais avec des mots et, le temps du récit, faire apparaître le tout comme un rouage central de l’univers est ce que j’aime faire.
L.S. : Travailler de la sorte demande du temps et des moyens. Est-ce encore possible alors que la presse est en crise ?
C.T. : C’est vrai, la presse canadienne va mal. Les recettes publi-
citaires diminuent et les ventes s’effritent, alors que les coûts d’impression et de distribution augmentent. Dans ce contexte, les responsables de publication réduisent leur pagination. Cela se répercute forcément sur la longueur des articles et leur nombre de mots. Cela dit, les nouvelles technologies ont créé de nouvelles sphères d’expression offrant de multiples possibilités. Sur Internet, éditer une histoire de 15 000 mots ne revient pas plus cher qu’un commentaire de quelques lignes et le lectorat potentiel est quasiment infini.
« Les préoccupations environnementales ont évolué »
L.S. : Il est question d’écologie et de développement durable dans ce livre, thèmes que vous abordiez également dans vos précédents ouvrages. Depuis quand vous sentez-vous concerné par ces questions ?
C.T. : Dès le début de ma carrière de journaliste, ces thématiques m’ont intéressé. Même auparavant, lorsque j’étudiais à l’université, elles m’interpellaient. Il est amusant de constater combien les préoccupations environnementales ont évolué. Je me souviens, quand j’ai commencé à travailler, mes premiers rédacteurs en chef n’étaient guère emballés quand je leur proposais des articles sur le sujet. « On en a déjà fait un le mois dernier », me répondaient-ils. Aujourd’hui, l’écologie et le développement durable occupent le devant de la scène médiatique.
L.S. : Nous entendons de plus en plus de discours inquiétants sur le sujet. Comment jugez-vous la situation actuelle ?
C.T. : Il nous faut un changement radical pour le bien de notre planète, c’est indéniable. Évidemment, j’aimerais que nous agissions plus vite. Je me veux cependant optimiste. On ne peut pas dire que rien n’est fait. J’ai l’impression, au contraire, que nous avons tous pris conscience de l’urgence de la situation.