De la bonne santé de la presse… en farsi !

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À l’occasion du mois explorASIAN, La Source a rencontré les équipes de deux magazines consacrés à la communauté iranienne de Vancouver. Le Canada compte plus de 163 000 Iraniens, selon les chiffres du recensement de 2011. Parmi eux, 90% vivent en Ontario, au Québec ou en Colombie-Britannique. Rien de surprenant, donc, à ce que la région du Grand Vancouver regroupe plusieurs magazines dévoués à cette population de langue farsi, qui n’est d’ailleurs pas exclusivement originaire de l’Iran.

Parmi ces médias, Daneshmand Magazine. Distribué gratuitement tous les vendredis, il se veut être « un support de haute qualité apportant à ses lecteurs de la Colombie-Britannique un contenu solide portant sur des sujets sociaux, culturels, scientifiques et de vie quotidienne » explique Mohammad Emady, rédacteur en chef et créateur du magazine. Cinq mille copies éditées chaque semaine, pour toucher les 50 000 personnes parlant le farsi à Vancouver et sa région. Presque autant que les 5 500 exemplaires de Farhang-e-ma, magazine semi-mensuel de la région adressé à la communauté perse et traitant davantage de sujets socio-culturels.

Si Farhand-e-ma a publié pendant un temps quelques articles en anglais, ce n’est plus le cas aujourd’hui : « Nous avons constaté que notre lectorat préfère nous lire en farsi ; ils vont lire en anglais dans des journaux anglo-phones plutôt que dans nos pages », explique le rédacteur en chef Kambiz Karbasi. Chez Daneshmand Magazine, seulement quelques articles sont publiés en anglais, la grande majorité reste en farsi, une manière pour les lecteurs de garder un lien avec leur pays d’origine. « Beaucoup ont émigré de I’Iran, mais on compte aussi une population venant d’Europe, principalement du Royaume-Uni ou d’Allemagne. Ils tiennent à lire dans leur langue maternelle », souligne le rédacteur en chef de Daneshmand Magazine.

Un lectorat croissant

Depuis sa création en 2006, le magazine a dû s’adapter aux demandes nouvelles de son lectorat. Grâce à plusieurs travaux de groupes et en recueillant les réactions de ses lecteurs, Daneshmand Magazine a pu observer que ceux-ci souhaitaient davantage de sujets traitant de santé, de nutrition, ou encore des tendances technologiques et nouvelles locales. « Nous avons donc dû ajouter des pages à notre format précédent pour être sûrs de couvrir tous nos sujets », s’enorgueillit Mohammad Emady. En plus des nouvelles locales, le magazine traite de l’actualité du Canada en général et de celle de l’Iran. Farhand-e-ma se concentre, lui, sur les nouvelles de la province, du Canada et des États-Unis. Un choix éditorial qu’explique son rédacteur en chef : « Nos lecteurs ont entre 25 et 80 ans, ils sont de la première ou deuxième génération d’immigrants, et leurs préoccupations se portent par exemple sur l’éducation ou l’immobilier ici au Canada. Ils s’attendent davantage à des sujets culturels qu’à de la politique. »

Mohammad Emady, rédacteur en chef et directeur de Dashmand Magazine. | Photo par Sanaz Azhdari

Mohammad Emady, rédacteur en chef et directeur de Dashmand Magazine. | Photo par Sanaz Azhdari

Daneshmand Magazine ne s’adresse en revanche pas seulement à la communauté iranienne, mais plus largement à tous ceux parlant le farsi en Colombie-Britannique, lui permettant de capter l’attention d’Afghans, de Kurdes ou encore de Tadjiks, partageant non seulement une langue commune, mais également toute une histoire. Le lectorat du magazine a d’ailleurs augmenté au fil des années, un succès que son directeur attribue à une volonté intacte de proposer des articles variés et inédits.

Chose que s’efforcent de faire ses rédacteurs. Recrutés sur appels à candidature puis entretiens, ils occupent des postes à plein temps ou à temps partiel, puisque certains contributeurs viennent d’autres milieux que le journalisme, mais souhaitent partager leurs connaissances et expériences. « Globalement, c’est ce partage qui les motive. Le fait d’être lus et reconnus est extrêmement valorisant également »,
ajoute Emady. Il insiste sur la nécessité de produire des textes de qualité, et précise d’ailleurs qu’en français, « Dashmand » signifie « pro ». « Nous sommes indépendants de toute tendance politique ou religieuse, et donc complètement neutres », assure le rédacteur en chef. Le magazine n’est financé par aucune autre organisation, qu’elle soit canadienne ou iranienne, et s’appuie donc sur la publicité.

Trouver sa place parmi les journaux communautaires

Alors qu’il y a une importante communauté asiatique à Vancouver, spécialement chinoise, Daneshmand Magazine cherche aussi à être un pont entre les différentes communautés du Grand-Vancouver : « La communauté perse au Canada est jeune – d’environ 40 ans – et instruite. Si la communauté chinoise est bien plus importante, je crois que l’on peut apprendre les uns des autres et créer des liens pour de nouvelles initiatives interculturelles qui puissent bénéficier à tout le monde », raconte Mohammad Emady.

Le magazine a d’ailleurs une section consacrée au Mois de l’héritage asiatique au Canada (jusqu’au 31 mai). La rédaction apprécie que cette année, la culture et l’efficacité de la communauté perse soient mises à l’honneur. Les rédacteurs en chef de Daneshmand et Farhand-e-ma assurent d’ailleurs tous les deux que la communauté perse de Vancouver est une population hautement diplômée, réussissant professionnellement. Quant à la manière dont leur pays est perçu par les gouvernements occidentaux, Mohammad Emady assure que cela ne reflète pas l’ensemble de ceux qui y vivent. Kambiz Karbasi est d’accord et précise que « chacun ici représente l’Iran, nous poussant à faire de notre mieux pour vivre en paix et justice ». « Je travaille à faire apprendre et pratiquer la démocratie à la communauté perse », conclut-t-il.