Dans quelques jours et comme chaque année, la fête du Canada sera célébrée d’Est en Ouest. L’occasion pour chacun de se rassembler, fanions et drapeaux en main, afin de fêter son appartenance au pays. Avec 85% de résidents permanents admissibles à devenir des citoyens, le Canada a le plus haut taux de naturalisation au monde. Citoyenneté et Immigration Canada a ainsi reçu près de 334 000 demandes de citoyenneté en 2013, le volume le plus élevé jamais enregistré.
Si l’attirance pour le Canada n’est plus à démontrer, pour les nouveaux arrivants l’adaptation et la conscience de devenir canadien n’est pas immédiate. Le sentiment de lui appartenir arrive souvent par étapes, le lien s’établit doucement, comme l’explique Bernard Ho, venu de France il y a douze ans. « Au début je rentrais souvent en France, entre 2 et 3 fois par an, et repartir me déchirait le cœur. Puis de moins en moins. Le fait de se sentir chez soi, on ne le ressent pas à une date. Ça vient naturellement. Je l’ai réalisé lorsqu’un jour en me baladant j’ai rencontré des connaissances. On s’est serré dans les bras, on a discuté, puis continué notre chemin. J’ai eu un choc, croiser des « amis » au hasard dans la rue m’a fait vraiment prendre conscience que c’était bon, j’étais chez moi là. »
Une naturalisation pratique
Depuis 2006, le Canada connaît les plus hauts taux d’immigration de son histoire avec une moyenne de 257 000 nouveaux arrivants chaque année. En conséquence, la demande de citoyenneté a augmenté de 30%. Mais cette demande générale est souvent motivée par une raison plus pratique qu’idéologique.
C’est le cas de Yanni Galer, arrivée de Chine en 2002 et installée à Vancouver : « Devenir officiellement canadienne n’était pas primordial pour moi. Je vois plutôt ce deuxième passeport comme une pièce d’identité qui permet de voyager plus facilement… et d’éviter les heures d’attente à la douane » sourit-elle. Aujourd’hui mariée à un Canadien et maman d’un petit garçon, elle reconnaît malgré tout que la situation a eu un impact positif dans son sentiment d’appartenance au pays : « Même si je me suis sentie canadienne avant d’avoir mon fils Ayden, je me rends compte qu’élever une famille au Canada renforce définitivement mon sentiment de faire partie de ce pays et de sa communauté. »
Pour elle comme pour beaucoup d’autres, le Canada est devenu un nouveau repère allant jusqu’à remplacer celui avec lequel on a grandi et créant un sentiment d’être étranger dans son pays d’origine. « Je me sens parfois d’ailleurs lorsque je rentre en Chine, parce que je l’ai quitté étant jeune. Les gens de mon âge se sont construit un réseau à l’université et au travail. Or la manière de vivre y est très différente d’ici au Canada, où socialiser avec ses collègues est dans la norme, presque même une obligation » explique Yanni. Un sentiment partagé par Bernard « Lorsque je rentre en France, je suis toujours content. Au début, ça m’énervait les grèves, le manque de savoir- vivre, etc…. Mais maintenant, les choses sont différentes, je me considère comme un touriste dans mon propre pays d’origine, et du coup, tout ce qui m’énervait glisse sur moi, car ça ne fait plus partie de mon quotidien ».
Prendre des risques pour se sentir chez soi
Telle une science presque exacte, le Gouvernement a lui-même établi les quatre étapes courantes par lesquels les immigrants passent le plus généralement lorsqu’ils s’installent au Canada : la fascination avec l’impression que tout est nouveau et intéressant, puis le désenchantement et la frustration avec le sentiment de n’avoir aucune racine au Canada. Cela s’accompagne souvent d’une attitude positive un jour, et négative le lendemain. Vient ensuite l’adaptation graduelle qui passe souvent par une plus grande implication dans la collectivité, et enfin le sentiment d’appartenance, l’impression d’être plus à l’aise, de trouver sa place et de comprendre comment atteindre ses objectifs. Si ces différentes phases ont une durée variable selon les immigrants, l’échec dans l’intégration réelle au Canada existe bel et bien. Alors attention à ne pas trop rester en retrait et trop enfermé dans sa culture d’origine comme le souligne Yanni : « J’ai connu des gens qui sont ici depuis 20 ou même 30 ans et ne sont jamais vraiment sortis de leur cercle culturel. Ils étaient peut-être plus âgés quand ils sont venus dans ce pays, ils n’y ont pas étudié. Mais il est difficile de s’intégrer ici si vous choisissez de rester seulement avec des gens qui ont les mêmes valeurs, repères et la même langue. »
L’équilibre est donc fragile mais le sentiment d’être Canadien d’une autre origine est un atout incomparable, comme le résume simplement le Franco-Canadien : « J’aime la France comme ma mère et le Canada comme ma femme. J’aimerai toujours ma mère, mais c’est avec le Canada que je vis désormais.»