Il a été prouvé que plus des immigrants s’établissent durablement dans un pays, plus leurs descendants perdent un attrait pour leur culture d’origine. À Vancouver, au sein de la communauté italienne, il n’en est rien. C’est ce que révèle une récente étude universitaire.
« Mon identité italienne reflète qui je suis. J’en suis extrêmement fière. » Gabriella Luongo, 22 ans, vit à Burnaby auprès de sa famille. Elle est très attachée à ses racines. Née en Colombie-Britannique de parents tous deux d’origine italienne, elle met un point d’honneur à entretenir l’héritage culturel familial, cet ensemble de traditions que lui ont transmis ses grands-parents et qui l’anime.
Son implication dans la communauté italienne de Vancouver s’est imposée comme une évidence. Depuis qu’elle est adolescente, elle est bénévole au Centre culturel italien près de Beaconsfield Park ; cela fait quatre ans qu’elle s’investit au foyer de soins, la Villa Carital, situé non loin.
« J’assiste, entre autres, les résidents atteints de démence. Je parle en italien avec certains. Ils me racontent leur vie », confie cette étudiante en sciences de la santé à l’Université Simon-Fraser, qui entamera à la rentrée sa dernière année.
Bien qu’elle se soit parfaitement intégrée en Colombie-Britannique, elle avoue se sentir un tantinet soit peu plus Italienne que Canadienne. « Je suis très proche de mes grands-parents. Je m’estime chanceuse, car ils sont tous les quatre encore vivants. Ils m’ont inculqué l’intégrité, la générosité, le sens de la famille et de l’hospitalité. Ces valeurs définissent, selon moi, les Italiennes et les Italiens. »
Une majorité écrasante : 88 %
Tout naturellement, elle les enseignera à ses enfants le jour où elle deviendra mère. Gabriella Luongo n’est pas la seule à penser ainsi. Une récente étude démontre que les jeunes de Vancouver issus de la 3e génération des immigrants italiens se montrent plus soucieux que leurs parents de préserver leur culture d’origine.
« Les participants, dans une majorité écrasante (88%), affirment que leur identité italienne est importante à leur yeux et qu’ils veulent la sauvegarder », commente Eva Sajoo de l’Institute for Diaspora Research and Engagement (IDRE) de l’Université Simon-Fraser.
C’est elle qui a mené l’étude. De mai à octobre 2014, elle a recueilli et analysé les témoignages des sondés qui ont répondu anonymement à un questionnaire en ligne. Plus de 100 personnes se sont exprimées. Est-ce suffisant pour avoir une vue d’ensemble ?
« Avec plus de réponses, nous aurions eu plus de détails, considère l’universitaire. Mais la tendance aurait été la même, je pense. Les résultats confirment ce qui se passe ailleurs. Ce regain d’intérêt s’observe dans les autres communautés italiennes du pays, comme à Toronto ou à Montréal où elles sont là aussi très actives. »
« Plus Milan AC et Dolce & Gabbana que Dolce Vita et Fellini »
Le Centre culturel italien de Vancouver, partenaire de l’étude, a lui aussi été le témoin de ce sursaut. En deux ans, le nombre d’inscrits aux cours de langues dispensés a bondi de 250 à 400 étudiants. Ceux-ci sont de plus en plus jeunes et n’ont pas les mêmes attentes que leurs aînés.
« Ce centre a été créé par des membres de la première génération des immigrants italiens, renseigne le directeur, Mauro Vescara. Nous sommes en phase de transition. Cette étude nous indique les voies à suivre pour coller au mieux aux aspirations de notre nouveau public. Pour les jeunes, la culture italienne c’est plus les footballeurs du Milan AC et les vêtements Dolce&Gabbana que la Dolce Vita et les films de Fellini. »
M. Vescara et son équipe réfléchissent présentement à la mise en place d’ateliers de généalogie, à l’organisation de voyages en Italie et à la création d’une crèche semblable à celles proposées en immersion française. « L’italien n’est pas une langue internationale, pourtant la culture italienne rayonne plus que jamais », ajoute le responsable.
De son côté, Eva Sajoo prépare d’autres études similaires, mais appliquées à d’autres groupes minoritaires. « Nous aimerions voir ce qu’il en est au sein de la communauté grecque, par exemple. Ce travail pourrait voir le jour en 2016. »