Douceur, tension et émotions en solos

Au cœur de Solitudes Solo... l’intensité du mouvement.

Au cœur de Solitudes Solo… l’intensité du mouvement.

Désigné meilleure œuvre chorégraphique de la saison artistique 2012–2013 par le Conseil des arts et des lettres du Québec, le spectacle Solitudes Solo du chorégraphe Daniel Léveillé prend l’affiche au Firehall Arts Centre du 28 au 31 octobre. Il se construit autour de cinq solos, sur la musique d’une composition pour violon de Bach.

Un temps court et des phrases courtes, c’est la manière d’écrire de Daniel Léveillé, dont les moments d’arrêt, où le corps est contracté pour maintenir une position statique, en constituent la ponctuation. Le rythme resserré, la tension des positions immobiles sculpturales ont pour effet d’impliquer directement le spectateur, qui devra garder les yeux grands ouverts car « cligner des yeux [durant le spectacle, ndlr] c’est perdre quelque chose », selon le chorégraphe.

Mouvement de danse Solitudes Solo. | par Louise Marquier

Mouvement de danse Solitudes Solo. | par Louise Marquier

La marque de fabrique de Daniel Léveillé jusqu’alors, c’était de faire danser ses danseurs nus. Le choix du costume pour ce spectacle : des sous-vêtements, et un t-shirt quelques fois, constitue une rupture qui révèle une volonté de renouvellement. Solitudes Solo, en effet, constitue le premier volet d’un nouveau cycle de création, qui est suivi par un autre spectacle intitulé Solitudes Duo, dont la première représentation a été donnée en mai 2015. Les danseurs ne sont pas nus, mais restent peu vêtus : « j’ai toujours besoin de voir fonctionner le corps, j’aime voir fonctionner les jambes », nous explique Léveillé.

Eclairés par une lumière crue, les corps à demi-nus réalisent de réelles performances techniques. On parle de « partitions chorégraphiques impossibles ». En effet, les mouvements effectués par les danseurs sont particulièrement exigeants d’un point de vue musculaire. Le chorégraphe nous éclaire à ce sujet : l’objectif est de tendre vers une perfection, sans jamais l’atteindre. Ce dernier nous explique que si l’un de ses danseurs arrivait à effectuer un solo à la perfection, il élèverait dès lors le niveau. C’est dans l’échec de la perfection que se loge l’émotion, car cet échec fait écho à une humanité toujours imparfaite.

Le parti-pris d’une mise en scène minimaliste et d’un décor dépouillé renvoie à un certain formalisme, qui s’éloigne du jeu théâtral qui caractérisait le travail de l’artiste dans les années 1980. Le mouvement est mis en avant dans le cadre d’une « mathématique de la chorégraphie », afin de révéler une vérité et une fragilité des corps. Il s’agit pour le chorégraphe de s’éloigner de la séduction « qui est courbe » pour se rapprocher de la vérité « qui est droite ».

Un thème : la solitude contemporaine

A l’heure du tout connecté, où internet nous permet de rester en contact ou de créer des liens avec des personnes du monde entier, Daniel Léveillé s’étonne d’un paradoxe : la solitude reste prégnante, voire se développe, dans nos sociétés occidentales contemporaines. Il trouve dans ce constat la matière de sa création et explore les émotions attachées à cet état. A travers sa partition chorégraphique, il donne à voir sa propre expérience de la solitude, qui pour lui constitue un aboutissement, un état de plénitude auquel parvient l’être humain à un certain âge, lorsqu’il s’éloigne de l’effervescence et du paraître. Le chorégraphe s’exprime de la façon suivante : « Quand on vieillit on devient plus près d’un arbre, d’une pierre, d’une roche, les besoins sont moins aigus ».

La solitude, synonyme de retour sur soi et d’apaisement, mais également d’isolement et de délaissement, est exprimée de façon singulière par chaque interprète. Ainsi, le spectateur pourra trouver dans les corps dansants ce qui fait écho à ses propres sensations. C’est ce qui fait dire à M. Léveillé que « dans les solos, le partenaire du danseur, c’est le public ».

Et lorsqu’on demande à M. Léveillé ce qu’est pour lui la danse, c’est justement de cette marge d’interprétation du danseur qu’il nous parle. Une fois que le texte chorégraphique est appris et maîtrisé par les danseurs, la danse constitue pour lui ce qu’il ne maîtrise plus, la manière propre à chaque danseur d’interpréter les mouvements. Dès lors la solitude devient leur solitude, la façon dont eux la vivent et comment ils la partagent avec le public.

Solitudes Solo
Du 28 au 31 octobre, à 20h au Firehall Arts Centre
www.firehallartscentre.ca