Pour les professionnels du marketing touristique, il n’y a qu’une seule manière de vendre les Maldives. Il suffit de mettre le mot paradis dans toutes les phrases.
En fait, il n’est pas nécessaire de dire grand-chose car les images suffisent. Récifs coralliens habités de poissons multicolores, cocotiers, plages de sable fin, centres hôteliers formés de bungalows luxueux, personnel affable et souriant, abondance de fruits exotiques, bref, il serait difficile de ne pas être séduit par cette offre touristique haut de gamme.
Cet archipel de l’océan Indien, formé de 1 200 îles (dont 202 sont habitées) s’est spécialisé dans le tourisme de luxe en développant le concept d’île-hôtel. La recette est simple. Vous prenez une petite île inhabitée, vous la louez à une compagnie qui y installe un « resort » où les seuls habitants locaux autorisés sont les employés. Les touristes ne sont pas autorisés dans les îles ordinaires où résident les maldiviens, excepté à Malé, la capitale, et dans certaines autres îles qui ne peuvent être visitées qu’en groupes organisés. Cet apartheid touristique fait tout à fait l’affaire des centres hôteliers, qui bénéficient d’une clientèle captive, et des autorités de la république islamique qui ne souhaitent pas voir des hordes de mécréants en maillots de bain côtoyer les croyants.
La rigidité religieuse n’a pas toujours été la norme aux Maldives. Les îles ont été bouddhistes jusqu’au 12e siècle avant que les marchands arabes y apportent l’Islam. Pendant des siècles, une version « apaisée » de l’Islam sunnite a fait bon ménage avec des croyances locales. Alors que les Indes voisines étaient sous occupation anglaise, les Maldives étaient un protectorat britannique oublié du monde extérieur où les habitants survivaient grâce à la pêche. Après l’indépendance, en 1965, le pays s’est tourné vers le tourisme. Il y a à peine plus d’une dizaine d’années, le pays a adopté la démocratie, ce qui a permis l’élection de députés islamistes dont la popularité croissante est liée à l’influence des imams formés en Arabie Saoudite. Les islamistes ne réussissant pas à obtenir le pouvoir par les urnes, ils l’ont pris par un coup d’État en 2012. Depuis les réformes vont bon train. Des femmes ont été fouettées publiquement, conformément à la charia, l’Islam sunnite est la seule religion d’État et la peine de mort a été rétablie, y compris pour les enfants dès l’âge de 7 ans ayant commis des crimes graves comme l’apostasie. En 2012, des hordes de fanatiques ont envahi le musée national et fracassé les statues bouddhistes. Les nombreux maldiviens qui n’approuvent pas le nouveau régime n’osent plus rien dire.
Est-ce que tout cela effraie les six cent mille touristes (dont deux tiers d’Européens) qui viennent aux Maldives chaque année? Eh bien, non! Pas « islamophobe » pour un sou, ils viennent aussi nombreux qu’avant passer leur lune de miel dans ce « paradis tropical ». Les guides touristiques en ligne évitent soigneusement de mentionner la nature du gouvernement en place, si ce n’est de recommander aux visiteurs de se cantonner à leur île-hôtel de rêve. Dans la rubrique-conseil aux voyageurs du site du ministère des Affaires étrangères de Grande-Bretagne, on rappelle tout de même que l’homosexualité est passible d’une peine de prison aux Maldives et qu’il est strictement interdit d’y apporter de l’alcool, de la viande de porc, des objets religieux non islamiques et tout ce qui pourrait être considéré comme de la pornographie. L’alcool est cependant vendu légalement dans les hôtels des îles touristiques réservées aux étrangers. Bizarrement, dans un même pays, une île peut être vouée à l’hédonisme touristique alors qu’une autre est toute à l’orthodoxie religieuse.
Depuis peu, des voix s’élèvent en Europe pour proposer le boycott touristique des Maldives. Le gouvernement maldivien en est conscient et se tourne vers l’Arabie Saoudite qui, non seulement sera une source de touristes, mais s’empresse également d’offrir son aide économique et « culturelle ».