Lever de rideau : « Jean et Béatrice » polaroïd d’une relation particulière…

Les acteurs Stefano Giulianetti et Emilie Leclerc. | Photo de Emilie Leclerc

Les acteurs Stefano Giulianetti et Emilie Leclerc. | Photo de Emilie Leclerc

Avec Jean et Béatrice Marie Farsi, jeune menteuse en scène ouvre sa première saison dans cette adaptation bilingue au Vortex Theatre, sous le signe de la désuétude, voire de la désertification relationnelle au sein de notre société moderne.

Animé du désir de produire un théâtre de l’immédiat autant que de l’imaginaire, le Vortex Theatre de Vancouver lance, du 25 novembre au 5 décembre prochain, sa première production bilingue avec la pièce: « Jean et Béatrice » de Carole Fréchette, auteure québécoise d’une quinzaine de pièces traduites en dix-huit langues et jouées à travers le monde.

Couronnée de succès au Canada et en Europe, la pièce « Jean et Béatrice » est adaptée, et mise en scène par Marie Farsi. Cette jeune metteuse en scène a notamment travaillé dans The 4th Graders Présent an Unanime Love-Suicide (Tremors Festival / Rumble Theatre). Cette production aspire à une véritable communion avec la diversité du public de la Colombie-Britannique, faisant évoluer avec brio et non sans une touche d’humour, une distribution de qualité internationale projetant sur une scène réduite dans une spatialité de proximité, au décor stylisé, toutes les composantes d’une relation s’évertuant à fuir la banalité et la stérilité des rites conventionnels de notre société moderne tout en y étant prise au piège.

Réflexion du haut d’une Tour désertée…

« Avis aux hommes de cette ville d’une jeune héritière, lucide et intelligente, qui n’a jamais aimé personne, ni sa mère, ni son père, ni son chat, recherche un homme qui pourra l’intéresser, l’émouvoir et la séduire. Dans l’ordre. Récompense substantielle ».

Jean et Béatrice. | Photo de Emilie Leclerc

Jean et Béatrice. | Photo de Emilie Leclerc

Dans son appartement au 33e étage, Béatrice souhaite découvrir l’homme de sa vie. Celui qui la délivrera de sa solitude, du conventionnel, des lieux impersonnels et d’une vie sans rêve. Elle est à la fois actrice d’une société dématérialisée, et victime. Sûre de rien, n’ayant aucune conviction, elle pose des questions. Elle place une affiche promettant une récompense substantielle à celui qui saura l’intéresser, l’émouvoir et la séduire. Mais des conditions sont émises sous forme d’épreuves. Jean, chasseur de primes, à la fois confiant et motivé par le gain, se soumet aux trois épreuves. Dans le feu de l’action, Béatrice, toujours dans le doute, rehaussera les enjeux.

Incarnée avec assurance et une grande nuance psychologique par Emilie Leclerc ayant joué entre autres dans Rivulets : 3 short Stories about a Flood (Babelle Theatre), I WISH (Presentation House Theatre), Le Portrait Gooble et L’Enfant problème* (Théâtre la Seizième, *Jessie Nomination) et Munsch to say! (Chemainus Theatre), le personnage de Béatrice, jeune femme assiégée par le poids d’une solitude sociétale collective et empreinte d’une réflexion nostalgique fuit la mécanique des relations banalisées sur les réseaux sociaux au bénéfice d’une construction relationnelle idéalisée.

Les défis lancés aux prétendants rappellent la thématique des contes et symbolisent un parcours initiatique digne du roman courtois. A défaut d’aboutir à la sélection du galant chevalier, Béatrice tente d’en construire les artifices, lui permettant ainsi de combattre les craintes et les incertitudes diffuses dans le Fast Food Agora de notre société. Pourtant, de par la lucidité de son argumentation, Béatrice demeure maîtresse du jeu, ne voulant ni se vendre, ni être achetée mais souhaitant être conquise par le génie, l’intelligence et l’amour…

Chasseur de primes poussé par l’appât du gain, Jean, dont le rôle est tenu par Stefano Giulianetti, ayant travaillé à la fois avec le Théâtre la Seizième et au cinéma dans Girl vs Monster, de façon prosaïque et directe répond à l’annonce et s’engage à satisfaire aux trois épreuves. Pourtant d’emblée son premier mot: « Combien ? », tout autant que son intérêt pour les ‘billets de vingt’ dollars, son langage sans emphase ne pourraient que le disqualifier à l’instar des candidats précédents, si Béatrice n’avait décidé de lui octroyer une chance de demeurer en lice.

Une relation sous les néons…

Au-delà du questionnement parfois tous azimuts, Béatrice a le rôle pivot, monopolise le discours, archive ses notes, prend des photos à l’instantané, mettant en exergue les problématiques de communication, les maladresses, les contradictions au sein d’une relation. Peu à peu l’appartement se referme sur les acteurs, la rencontre devient confrontation, un prétexte, une simulation de relations où les personnages se limitent à un rituel, partageant des moments d’intimité, des confidences, des réconciliations ne tardant cependant pas à éroder la spontanéité.

« Jean et Béatrice » décrit la complexité humaine dans son unicité et ses multiples contradictions, ses hauts autant que ses bas. Le réalisme y est présent sous couvert d’une dimension troublante du questionnement par personne interposée et par une mise à l’épreuve déclinant la complexité des rapports humains au quotidien. L’attention du public est y engagée à tout moment. Témoins de notre propre quête, en recherche de l’âme sœur, ce huis clos nous rétrécit autant qu’il nous grandit dans notre désir de réinventer l’amour au 21e siècle.

N’attendez pas ! Venez nombreux au Vortex Theatre, vivre en direct la pièce ! John & Beatrice in English November 25–28 at 8 p.m. Jean et Béatrice en français du 2 au 5 décembre à 20h

Dusty Flower Shop, 2050 Scotia St à Vancouver.

Billets à partir de 18$
www.brownpapertickets.com

Pour toute information : vortextheatre@hotmail.com