Quand on nem on ne compte pas. Pourtant, si l’« on ne badine pas avec l’amour », nous aurions tort de ne pas en faire de même avec les chiffres, à l’heure d’expliquer les liens qui unissent Vancouver à sa communauté chinoise.
Avec environ 400 000 membres présents dans l’agglomération, soit plus de 18% de la population vancouvéroise, les Chinois ont contribué à faire de Lotus Land la ville la plus asiatique d’Amérique du Nord. Un mariage détonnant qui, comme dans la plupart des relations, n’aura pas échappé à certains remous.
Je t’aime, moi non plus
L’histoire commence au milieu du XIXème siècle, lorsque des chercheurs d’or chinois quittent San Francisco pour la vallée du Fraser. Rejoints par leurs compatriotes employés à la construction du TransCanada Rail Line, ils forment alors la première vague d’immigrants. Victimes de ségrégation raciale, la communauté se replie alors sur Chinatown.
« C’était un ghetto où les immigrants pouvaient célébrer leur culture et utiliser leur langue sans subir l’irrespect de la société dominante » explique Dr Jennifer Kong, qui a grandi dans une petite ville de l’intérieur du Canada.
Apprendre à se connaître
Un siècle plus tard, la donne n’est évidemment plus la même. Profitant des droits civiques attribués et de l’immigration massive encouragée à partir des années 60, la diaspora n’a cessé de grandir. Elle constitue la minorité visible la plus conséquente de Vancouver et ses membres habitent désormais dans différents quartiers de la ville.
Cette situation a un impact culturel au quotidien. « Hormis les restaurants, il y a aussi les publicités, les médias et les évènements qui offrent une part prépondérante à la culture chinoise » détaille Jennifer.
Mieux, cette présence influencerait également les mentalités : « L’immigration chinoise a profondément changé le visage de Vancouver », note celle qui est également professeure associée à BCIT (British Columbia Institute of Technology). « Il s’agit aujourd’hui d’une des villes les plus cosmopolites au monde avec le moins de racisme. En vivant ensemble depuis longtemps, les Vancouvérois et les Chinois ont appris à s’ouvrir aux autres cultures ».
Pour Eileen Lao, arrivée il y a quatre ans du sud de la Chine et en charge des relations presse pour l’organisme SUCCESS, les Chinois ont su s’adapter à la vie canadienne, « en respectant et en suivant les valeurs locales ».
Une tendance que poursuivent, selon elle, « les nouveaux immigrants qui comprennent les changements qu’impose leur nouvel environnement ».
On est bien ensemble, mais…
Du changement, Vancouver en a connu, particulièrement depuis l’arrivée des Hongkongais venus après 1997.
« Ces immigrants représentent un nouveau type de Canadien » expliquait en 2007 Henri Yu, professeur à UBC. « Ils sont directement issus des classes moyennes et de la haute société et avaient déjà un bon niveau d’anglais à leur arrivée ».
Hausse des prix du logement, embourgeoisement de certains quartiers, explosion de la communauté chinoise à Richmond, amélioration du niveau d’éducation, renforcement des liens commerciaux avec l’Asie… le Hong Kong Boom a fortement contribué à faire de Vancouver la métropole qu’elle est désormais.
Un bouleversement qui s’est un temps effectué sans l’aval d’une partie de la population locale, anxieuse à l’idée de vivre à Hongcouver.
« Ces riches immigrants s’attiraient la jalousie des Canadiens. Avec l’argent dont ils disposaient, le besoin d’intégration était moins important. Les Vancouvérois avaient le sentiment que ces nouveaux venus n’avaient rien à apporter en retour ».
Si le climat s’est depuis apaisé, certaines tensions persistent à travers les stéréotypes. Ainsi, les Chinois, aussi divers soient-ils, sont encore parfois perçus comme « superstitieux et riches », rappelle Jennifer.
Une étudiante nous confiait même qu’il était agréable de voir arriver des Français, les Chinois étant « tout de même un peu trop nombreux ».
Une pensée qu’il convient bien sûr de ne pas généraliser, d’autant qu’on peut être « intelligent toute sa vie et stupide un instant » dit le proverbe…chinois.
Post scriptum: Toujours d’actualité, cet article de Guillaume Debaene a été publié pour la première fois dans les colonnes de La Source dans notre édition du 24 janvier 2012.