« Novembre a mis, comme un suaire,
Sa longue robe de brouillards ;
Le soleil, dans nos cieux blafards,
Semble une lampe mortuaire. »
Le Mois des morts, Victor de Laprade, 1865
Novembre porte depuis longtemps le nom de mois des morts. La chute des feuilles, la pluie, le froid, la grisaille de l’automne et les célébrations religieuses durant ce mois contribuent à perpétuer cette appellation…
Une histoire religieuse de l’Église catholique
Dans l’Église catholique, novembre est entièrement consacré aux défunts et aux trépassés. On l’appelle d’ailleurs le mois des morts. Plusieurs célébrations sont concentrées dès les premiers jours du mois : le 1er étant la Toussaint, un hommage à tous les saints, et le 2e étant le jour des Morts, consacré à la commémoration des trépassés. Comme plusieurs autres fêtes celtiques anciennes qui se déroulaient sur trois jours – la veille, le jour et le lendemain – le cycle est amorcé par l’Halloween, célébrée le 31 octobre.
L’institution d’une journée consacrée à l’intercession générale le 2 novembre est attribuée à Odilon, cinquième abbé de Cluny (mort en 1049). Ainsi, après avoir célébré la fête de tous ses membres sanctifiés qui sont réputés séjourner au paradis, l’Église catholique commémore, le lendemain, toutes les âmes qui souffrent au purgatoire et prie pour qu’elles accèdent au paradis. La dédicace d’un mois à une dévotion particulière est une forme de piété populaire relativement récente dont on ne trouve guère l’usage général avant le XVIIIe siècle. Novembre ne fut ainsi approuvé le mois des âmes du purgatoire par Léon XIII qu’en 1888.
La coutume, observée par les membres d’une famille, de se réunir et se recueillir le 2 novembre autour de la tombe de leurs morts, de la laver et de la fleurir, spécialement en France, de chrysanthèmes, est devenue, à l’époque contemporaine, l’une des rares manifestations publiques attestant d’un culte des morts en Occident.
Presque dans toutes les cultures
Le culte des morts est une pratique religieuse très ancienne et quasi universelle, laquelle, à l’origine, consistait à honorer les morts de la famille ou des ancêtres plus ou moins légendaires, mais aussi à se protéger d’eux, à les consulter ou à leur demander de l’aide. Le culte des morts suppose la croyance en une forme de permanence de l’être après la mort. Les préhistoriens considèrent généralement que l’esprit religieux est apparu avec les premières sépultures. Le culte des ancêtres, étant intimement lié à la connaissance des générations précédentes, a des liens étroits avec la généalogie des tribus concernées. Les religions orientales ont intégré depuis l’origine le culte des ancêtres. L’islam, lui, ne le reconnaît pas.
Il existe également des divergences chez les chrétiens non catholiques. Dans la tradition protestante, le culte du souvenir célébré à l’intention du défunt est en revanche inconnu : les morts sont entre les mains de Dieu. Certains pasteurs organisent néanmoins aux alentours de la Toussaint un office pour les familles en deuil, au cours duquel ils prononcent les noms des défunts de l’année. Chez les orthodoxes, l’intercession de l’Église pour les défunts est constante car la tradition orientale énonce que l’âme peut progresser vers la lumière divine, même après la mort.
Un recul en
Colombie-Britannique
Selon une enquête de Statistique Canada en 2011, le catholicisme regroupe 15 % de la population en Colombie-Britannique, contrairement à 39 % dans tout le Canada. Par ailleurs, d’après une étude de Sarah
Wilkins Laflamme, chercheure associée au Centre for Studies in Religion and Society à l’Université de Victoria, les non affilés à une religion représenterait plus de 44 % de la population provinciale. La C.-B.
possèderait donc le taux de non affiliation religieuse le plus élevé non seulement au Canada, mais à travers l’Amérique du Nord. Nombreux sont ceux qui pensent que ce fait provient principalement de sa population importante d’origine asiatique. Serait-il donc légitime d’approfondir leur conception du culte des morts ?
Le culte des ancêtres joue, depuis les temps les plus anciens, un rôle capital dans la pensée et dans les pratiques religieuses de la civilisation asiatique, non seulement en Chine mais un peu partout en Asie, particulièrement dans les pays comme la Corée, le Japon et surtout le Vietnam. L’Asiatique n’a jamais eu l’esprit religieux comme on l’entend en Occident. Il est avant tout, et surtout, conformiste et attaché aux traditions.
Par exemple, en Chine, la fête de Qing Ming, au début du mois d’avril, est essentiellement consacrée à la visite et au nettoyage des tombes familiales. La fête des fantômes (Zhong yuan jie), l’équivalent de l’Halloween, qui se déroule le 15e jour du septième mois lunaire, est pour sa part consacrée aux « esprits orphelins et fantômes sauvages » auxquels sont offerts des repas réconfortants et des cérémonies pour leur délivrance.
En bref, il est essentiel de comprendre que novembre pour les catholiques, c’est par excellence le mois de la charité et de la reconnaissance, le mois des vivants et des morts, fortifiant leur espérance dans la force silencieuse de la grâce, tout comme pour les coutumes et rites religieux qui existent dans d’autres religions.