Incroyable. Inimaginable. Impensable. Comment peut-on occuper la Une de l’actualité à ce point-là ? Comment peut-on la monopoliser autant que ça ? Phénoménal. Stupéfiant (l’adjectif et non le nom). Depuis le 20 janvier il n’est question que de lui. Il s’arrange, d’une manière ou d’une autre, pour être au cœur de l’information. Il passe des décrets en veux-tu en voilà. Les uns plus controversés que les autres. Les autres plus lunatiques que les uns. Il est en train de battre tous les records en ce domaine. Il choque, il détonne, il déconne.
Il insulte des premiers ministres de pays alliés. Il glorifie Poutine. Il dénigre les juges. Il vocifère des injures envers les médias. Toutes les occasions sont bonnes pour faire la manchette. Rien d’étonnant donc qu’on ne parle que de lui. Certains soirs The National, le journal télévisé de la CBC, n’hésite pas à lui consacrer la majeure partie, parfois jusqu’à 75 % au moins, de ses reportages. Les journaux canadiens, je dis bien canadiens, le couvrent en long et en large. À l’exception de l’horrible massacre perpétré dans une mosquée de la ville de Québec, les médias chez nous n’ont d’yeux, mon Dieu, que pour cet étrange personnage à qui les Américains ont confié les clefs de leur arsenal atomique. De toute évidence nos voisins du Sud aiment vivre dangereusement.
C’est vrai qu’il fascine. C’est à se demander d’où il sort celui-là ? De la cuisse de Jupiter, j’imagine. Celle de Melania ne lui suffisant pas. Son égocentrisme n’a pas d’égal. Son maniérisme est sans pareil. Les comédiens américains se régalent en le parodiant. Il est ainsi présent de partout, ce qui n’est pas pour lui déplaire, bien au contraire.
Sa soif de notoriété l’oblige à précipiter les évènements. Il signe des ordres exécutifs à une allure vertigineuse. Difficile de le suivre. Impossible de le prédire. Il est ce qu’il est et ce qu’il est n’est pas beau à voir ou bon à avaler. Il donne des indigestions. Rien ne lui fait honte. Monsieur Sans-Gêne en personne donne le vertige. Il s’arrange pour nous faire perdre la tête alors que la sienne ne tient plus sur ses épaules. Intenable. Avec lui on ne sait plus sur quel pied danser. À bien y penser je pencherais plutôt pour celui de l’extrême droite.
On ne sait pas par quel bout le prendre. Faute de bout, a-t-il un but ? Oui : dominer. Observez ses poignées de (petites) mains, une vraie manœuvre : je te la tends-je te la serre-avec force, je te l’attire vers moi- aucune résistance-le tour est joué-tu es à moi-tu n’es rien-je suis ton boss. Maintenant dansons la bossa nova.
Au Canada, impossible de lui faire concurrence. Le mini scandale de Justin Trudeau parti en vacances chez son ami le prince Aga Khan fut, à juste titre, fortement critiqué par la presse et les conservateurs. Ces derniers, outrés, offusqués, ont fait semblant d’oublier qu’au même moment, dans les mêmes parages paradisiaques, leur chef intérimaire, madame Rona Ambrose, se la coulait douce sur le yacht d’un de ses amis milliardaires. Comment voulez-vous qu’on prenne ces gens-là au sérieux ? Le chef néo-démocrate, lui, n’a pas ce genre de soucis. Les milliardaires ne courent pas les rues dans les rangs du NPD. Mais, avouez que pareille chicane pâlit comparée à l’énormité du décret anti-immigration auquel « Il » tient mordicus d’autant plus que ce décret lui permet de tenir le haut du pavé de l’actualité. « Mon cheval pour une loi anti-immigration » doit-il se dire dans son for intérieur.
Maintenant, que pouvons-nous faire face à cette mainmise de ce monsieur sur l’actualité ? L’ignorer ? Quasiment impossible et peine perdue. Le ridiculiser ? Ça se fait déjà. Il monte sur ses grands chevaux pour repartir de plus belle en selle. Le confronter ? Oui ! Mais ce serait sans compter sur les « faits alternatifs » dont il est friand. Alors ? L’atteindre à son talon d’Achille : taire son nom. Ne plus le prononcer, ne plus l’écrire. Lui trouver, à la place, un sobriquet pour le nommer. Quelque chose du genre « Le Trompeur ». Moi j’ai choisi « Il » très proche de l’anglais « Ill ». Et vous, que suggérez-vous ?