À l’heure où cette chronique vous arrive, il est possible que vous soyez déjà en possession des résultats des élections provinciales. Vous connaissez aussi certainement le nom du nouveau ou de la nouvelle chef d’état français (quel désastre). À l’heure où je mets sur papier cet article, j’ignore tout de cela. Je ne peux, par conséquent, commenter aucun de ces deux évènements ; ce n’est peut-être pas un mal en soi, certains diront. Face à un pareil fait accompli, je me suis penché, tant bien que mal, en essayant de ne pas perdre l’équilibre, sur d’autres sujets qui méritent l’attention tout en gardant un œil dépourvu d’objectivité sur l’élection provinciale qui vient de prendre fin.
J’ai notamment pensé à m’intéresser à la grande découverte qu’ont faite des chercheurs de la prestigieuse université de Berkeley en Californie qui se sont tournés sur une des questions les plus préoccupantes qu’on puisse se poser : comment et pourquoi les lacets de chaussures se dénouent ? La réponse n’était pas évidente ; un vrai sac de nœuds. Un phénomène de la physique qui m’échappe encore aujourd’hui. Un jour nous finirons bien par boucler la boucle. Ne portant néanmoins que des mocassins ou chaussures avec velcro, le sujet m’a vite lassé. J’ai dû, au péril d’appauvrir ma culture générale, abandonner ma démarche. Mon exploration dans le domaine scientifique a ses limites. Après tout, si un lacet se dénoue c’est qu’il ne veut pas de nous.
Autre observation : les cerisiers japonais sont en fleurs, les arbres se branchent, les feuilles se réinventent, les fleurs fleurissent, les lapins lapinent, les oiseaux migrateurs reviennent au bercail, les bourgeons bourgeonnent, les bourgeois s’embourgeoisent, le vert verdoie, les vers remontent à la surface, les canards passent l’éponge, le muguet nous sonne les cloches, les pissenlits font leurs lits, les mauvaises herbes ressuscitent, oui, qu’on se le dise, depuis plus d’un mois déjà, c’est le printemps.
Un printemps humide et timide mais un printemps quand même. Il s’est fait désirer. En fait je ne l’attendais plus. J’ai même cru qu’il allait, cette année, nous ignorer. Un peu comme si le Père Noël avait décidé de passer par dessus notre cheminée et, ce faisant, nous priver de cadeaux. Si cela avait été le cas, j’en aurais voulu au printemps. Je m’étais même promis de lui faire la gueule ou de lui claquer la porte au nez dans onze mois lors de son prochain passage.
Heureusement, il est là, pas très sûr de lui, mais fidèle au poste. Je me suis donc inquiété pour rien. J’ai tendance effectivement à m’inquiéter pour rien. Je me fais toujours du souci pour un oui ou pour un non (ce n’est pourtant pas un référendum). Par exemple les élections provinciales, dont vous connaissez certainement les résultats, ont suscité en moi de sérieuses et nombreuses inquiétudes (chassez le politique, il revient à coup de trique).
J’étais très inquiet après le débat télévisé entre les trois chefs de parti. Andrew Weaver du Parti vert a été impressionnant face aux deux autres candidats. De toute évidence il a gagné des points. Verbalement agressif, le leader du Parti écologiste avait décidé d’avoir plutôt maille à partir avec John Horgan le chef du NPD, qu’avec madame Christy Clark. Sa raison : l’actuelle première ministre est une femme, il faut la ménager. Deux poids, deux mesures. Cette attitude n’est ni plus ni moins qu’une forme de sexisme démagogique détournée. Ce chef vert devrait rougir de honte. L’électorat sans doute n’y a vu que du bleu. Et moi, depuis, je ris jaune tout en broyant du noir. Cela m’a permis de rêver en couleurs.
Après le printemps arabe j’ai, en effet, imaginé que nous étions en train de vivre le printemps britanno-colombien : un vent de révolte s’est abattu sur la Colombie-Britannique. La comtesse a perdu le pouvoir. Sa garde-robe vendue aux enchères. Personne n’en veut. L’Armée du salut en profite. Tous ses mignons perdent leur siège. La majorité a changé de camp. Le peuple peut enfin respirer. Finis les référendums bidon. Finies les négociations menées de mauvaise foi par le gouvernement. Finis ces renvois arbitraires et injustifiés des employés du ministère de la Santé qui conduisent au suicide. Finis cette négligence et ce manque d’intérêt pour tout ce qui touche à l’éducation. Finie cette politique énergétique qui n’en est pas une. Suis-je toujours en train de rêver ?
Vous qui êtes maintenant en possession des résultats, dites-moi qui a gagné. Je déciderai alors si je dois me réveiller ou non. Si Christy Clark passe, ce sera la fin des haricots. Mon jardin potager, même au printemps, ne s’en remettra jamais. Un vrai cauchemar.