L’espagnol est l’une des dix langues les plus parlées en Colombie-Britannique. Selon les données de Statistique Canada relatives au recensement de 2016, il y a environ 40 000 personnes dont la langue maternelle est l’espagnol rien que dans la région métropolitaine de Vancouver. Il n’est donc pas surprenant que cette communauté linguistique, incarnée majoritairement par des Latino-américains, cherche à s’informer de l’actualité d’ici et de là par le biais d’une presse diffusée en espagnol. Contacto Directo s’en occupe depuis plus d’un quart de siècle.
La presse est dernièrement dans la bouche de tout le monde. Et souvent, pas pour en dire du bien, tel que montré par les attaques verbales du président des États-Unis Donald Trump ou par le malaise autour de l’idée généralisée d’une sorte de connivence politico-médiatique. En dépit de cette crise de réputation, la presse reste indispensable. Et d’autant plus à l’échelle locale, où son rôle va au-delà du caractère purement informatif. À ce niveau, la presse n’est pas seulement un miroir de l’actualité ; elle noue et forge des synergies entre un lieu et ses gens.
Cette fonction de la petite presse qui vient d’être évoquée va de soi. Or, il est nécessaire de le rappeler afin de comprendre pourquoi le nombre de journaux et bulletins d’information à caractère local et régional est tellement vaste. Et aussi pour faire remarquer le fait que toute communauté culturelle cherche à disposer de moyens de communication qui lui ressemblent. Dans le cas du Lower Mainland et de l’émergente population latino américaine, c’est la gazette Contacto Directo qui remplit ce rôle.
Un projet ayant 25 ans
Mis en place en août 1992, Contacto Directo est le doyen des médias en langue espagnole en Colombie-Britannique. Initialement conçu comme une newsletter, Contacto Directo est rapidement devenu un média de référence parmi les Latino-américains du Lower Mainland et s’est transformé en hebdomadaire. Il est principalement distribué dans des commerces et restaurants gérés par des Latino-américains, mais on peut également le trouver dans certaines bibliothèques, maisons de quartier ou églises fréquentées par la communauté.
L’hebdomadaire est dirigé depuis le premier jour par Victor Alvarado. Originaire du Guatemala, M. Alvarado a eu l’idée de mettre en œuvre ce projet après avoir détecté un manque de publications s’adressant à la communauté hispanophone. « Contacto Directo est né avec l’idée de relayer l’actualité de l’Amérique latine qui était absente des principaux médias canadiens », explique son directeur, qui avait déjà eu une expérience dans le domaine du journalisme dans son pays de provenance.
L’information politique des pays hispanophones de l’Amérique latine constitue donc le pilier de la publication, qui sort tous les vendredis. Cependant, Contacto Directo publie également des actualités locales de Vancouver et de la Colombie-Britannique, sans que celles-ci gardent rapport avec la communauté latino-américaine. D’après M. Alvarado, cet aspect est très important, car « il y a beaucoup de nouveaux arrivants qui méconnaissent l’anglais, mais souhaitent connaître ce qui se passe dans leur nouveau pays ». Pour cette même raison, le journal consacre aussi une rubrique aux informations autour des procédures d’immigration.
Une survie à bout de souffle
À l’instar de beaucoup d’autres journaux locaux et à la distribution limitée, les revenus de Contacto Directo issus de la publicité, seule source de financement de l’hebdomadaire, sont plutôt modestes. Cela oblige donc à effectuer des équilibres constants pour garantir la survie de la publication ainsi que de la rédaction, constituée actuellement de quatre personnes.
Une partie significative de la publicité qu’accueille Contacto Directo relève d’entreprises et commerces qui ont fait confiance au journal depuis plusieurs années. Par contre, l’hebdomadaire rencontre plus de difficultés à attirer de nouveaux annonceurs, et cela même si la participation de la population latino-américaine dans la création de nouvelles entreprises ne cesse d’augmenter. Paola Murillo, directrice générale de Latincouver, une organisation promouvant le progrès socio-économique de la population latino-américaine au Canada, émet une hypothèse qui expliquerait cette situation. « À la différence de communautés telles que l’asiatique ou l’italienne, nous ne sommes pas encore un marché suffisamment mûr. Nous apprécions qu’il y ait des journaux en espagnol ou en portugais, mais nous n’observons pas encore la valeur ajoutée que cela comporte ». C’est la raison pour laquelle, toujours d’après Mme Murillo, « un business latino-américain préférera payer pour une publicité à un journal plus diffusé comme The Georgia Straight plutôt que dans un média dans la langue propre dont la circulation est plus restreinte ».
Malgré toutes les difficultés, le pionnier de la presse écrite en espagnol à Vancouver a bel et bien l’intention de poursuivre sa mission. Et cela même s’il ne s’agit que de la seule publication destinée aux hispanophones. Actuellement on compte notamment Sin Fronteras, publié tous les quinze jours, et le magazine mensuel Spanglish.