Culture autochtone : apprendre pour transmettre

Photos par Télie Mathiot

Soixante-cinq ethnies autochtones. Au total, un million et demi de personnes s’identifient comme autochtones, et pourtant une crise culturelle menace. Les langues autochtones risquent plus que jamais de disparaître, emportant avec elles l’art et la culture de peuples entiers. Dans ce contexte, comment faire pour que la richesse de leur culture ne se perde pas et reste bien vivante ? L’apprentissage et la transmission peuvent être une réponse.

D’après le Site de l’aménagement linguistique au Canada (SALIC), la majorité des langues autochtones au pays seraient actuellement en voie d’extinction. En 1991, sur 53 langues parlées au Canada, 50 étaient en passe de disparaître. À l’heure actuelle, « plusieurs des langues parlées par les peuples autochtones ne comptent que quelques dizaines de locuteurs, parfois encore moins », souligne le SALIC.

Des projets singuliers pour apprendre, et transmettre

Une exposition originale, intitulée Memory • History • Story, se tient à la Gordon Smith Gallery of Canadian Art à North Vancouver. Jusqu’au 27 avril 2018, on peut y retrouver différents éléments typiques de l’art des Premières Nations : peinture, sculpture sur bois, sur pierre, tissage, mais aussi sérigraphie.

Au parcours de ces œuvres, on est immédiatement immergé dans les valeurs de ces hommes et ces femmes et on prend notamment conscience de leur profond respect pour la nature. Les œuvres sont issues de la collection d’Artists for Kids et rassemblent des travaux aborigènes, inuits et métis.

Photo par Télie Mathiot

« Cette exposition est l’une des plus pédagogiques de notre histoire », évoque Yolande Martinello, directrice d’Artists for Kids. « Découvrir le travail de nos Premières Nations, leurs points de vue sur ce qu’ils ont vécu est un aspect essentiel de la bonne compréhension de l’énorme impact, de la véritable portée de l’histoire du Canada », ajoute-t-elle.

L’apprentissage selon les Premières Nations

Si une grande partie de l’exposition est consacrée aux procédés et aux matériels utilisés par les artistes autochtones, une autre section valorise les valeurs de l’apprentissage des Premières Nations.

La pédagogie des Premières Nations repose sur l’idée qu’apprendre participe au bien-être personnel et collectif. Ainsi, une personne qui apprend gagne le droit de transmettre cette connaissance. Dans cette conception, apprendre c’est aussi se connaître soi-même : il faut y accorder du temps et de l’importance, et cela implique des responsabilités, notamment le respect du passé et de l’histoire.

Au-delà des œuvres exposées, la galerie reçoit les écoles locales pour partager ces idées avec les enfants et leur en expliquer l’histoire. La galerie réalise un véritable travail de sensibilisation qui a su toucher les enfants. « J’ai été très agréablement surprise par l’accueil des écoles envers notre démarche », commente Yollande Martinello. « Particulièrement du travail d’appropriation réalisé en complément du travail scolaire pour valoriser l’indigénisation du cursus scolaire », observe-t-elle.

La transmission par l’oralité

Les enfants qui ont visité l’exposition ont eu l’occasion d’écouter quelques-unes des histoires orales des Premières Nations. Traditionnellement, la base de leur éducation était l’expérimentation et la tradition orale. Organisés en communautés tournées sur les valeurs familiales et le respect des ainés, ces peuples ont fait de l’oralité la base de toute transmission.

« Pour les peuples autochtones, la narration et le récit sont essentiels dans leur lien avec la terre, les ancêtres et la communauté », rappelle la responsable.

L’exposition Memory • History • Story se tient à la Gordon Smith Gallery of Canadian Art jusqu’au
27 avril 2018.

Entre héritage et désenracinement

Si les Premières Nations bénéficient depuis les années 1960-1970 d’un ministère sur les Affaires autochtones et du Nord Canada, il faut rappeler qu’à partir de 1876, la Loi sur les Indiens a résulté en l’apparition de pensionnats autochtones avec le souhait de « tuer l’indien dans l’enfant ». En séparant l’enfant de sa communauté, en lui interdisant de parler sa langue maternelle, celui-ci ne pouvait intégrer le modèle familial, privé de tout lien culturel et social, et était de fait assimilé. La transmission orale ne pouvait s’opérer, ni la culture dont ils étaient les héritiers s’exprimer. Écartelés entre deux modèles de société, beaucoup ont fini par n’appartenir à aucun d’eux.