En avril 2018, la ville de Vancouver organisera un événement portant sur la reconnaissance et des excuses officielles et publiques envers la discrimination historique faite à la communauté chinoise. Dans quel contexte s’inscrit cet événement ? Que sait-on aujourd’hui de ce passé sombre de l’histoire de la ville de Vancouver ? À quels domaines s’étendaient les lois discriminatoires ?
L’immigration chinoise a débuté en 1858, avant la Confédération, en raison de problèmes politiques et économiques dans leur pays d’origine et de l’attrait de la croissance au Canada. Petit à petit, une discrimination insidieuse, quotidienne, s’est développée, validée par la vie politique.
Des discriminations multiples
La forme la plus tristement célèbre de discrimination est certainement la taxe d’entrée de cinquante dollars imposée à chaque membre d’une famille chinoise immigrant au Canada, mise en place dans une résolution de 1885.
Cette taxe n’a cessé d’augmenter pour atteindre près d’un an de salaire moyen, soit cinq cents dollars en janvier 1904, afin de réduire le flux d’immigrants. En raison de ce coût prohibitif, de janvier 1904 à juillet 1907, seuls 121 Chinois furent en mesure d’entrer au Canada.
En 1886, le conseil municipal de Vancouver retira aux Chinois le droit de vote, qui ne sera réaccordé qu’en 1949, un an après la loi fédérale, grâce à leur participation dans les rangs des Alliés pendant la Seconde Guerre mondiale.
De 1890 à 1952, les Chinois en Colombie-Britannique ne peuvent accéder à un poste de fonctionnaire, font face à une taxe coûteuse pour posséder un commerce, subissent une discrimination à l’embauche, et ont l’interdiction de pratiquer toute profession réglementée, comme par exemple les professions médicales et paramédicales.
La naissance d’un sentiment anti-asiatique
D’après le livre de Robert Edward Wynne Reaction to the Chinese in the Pacific Northwest and British Columbia, 1850–1910, publié en 1978, le sentiment anti-asiatique en Colombie-Britannique s’organisa avec la création d’une branche de la Ligue d’exclusion asiatique, née en Californie suite au mécontentement de la classe ouvrière face à l’augmentation constante de l’immigration asiatique.
Les discours des sympathisants de la Ligue poussèrent aux émeutes de 1907 à Vancouver qui saccagèrent les magasins des quartiers chinois et japonais. Le Parti des travailleurs dénonçait alors auprès du premier ministre de la Colombie-Britannique « le problème oriental » et appelait à « sélectionner [ses] frères anglo-saxons ».
La peur et le racisme grandissant ont ainsi poussé le gouvernement à adopter en 1907 la Loi sur l’immigration qui avait pour objectif d’exclure les « Orientaux ». En 1923 une nouvelle loi exigea que les immigrants d’origine chinoise s’inscrivent à un registre national et interdit tout nouvel immigrant, divisant ainsi des milliers de familles de part et d’autre du Pacifique.
Une prise de conscience des politiques
Selon le communiqué de presse officiel de la ville du 2 novembre dernier, la présentation d’excuses officielles par Vancouver a été votée à l’unanimité par les membres du conseil municipal, suite à la présentation des résultats du groupe de travail Historical Discrimination Against Chinese People Advisory Group (HDC), qui recommande des actions de réconciliation.
« Par [cet événement et] ce processus de réconciliation, nous tenons à consolider et réaffirmer nos valeurs et notre ferme conviction en une communauté inclusive, une communauté qui respecte collectivement les droits de l’homme et se montre proactive dans la prévention de la discrimination », établit l’ébauche du discours qui sera tenu en avril 2018.
Il ne s’agit toutefois pas d’assumer toutes les exactions de la population envers la communauté d’ascendance chinoise, mais bien de reconnaître leurs injustes souffrances et d’endosser la responsabilité des politiciens qui, entre 1886 et 1947, ont joué un rôle actif dans cette discrimination et ont usé de leur pouvoir pour établir et mettre en vigueur des lois discriminatoires.
L’annonce de cet événement fait écho aux excuses officielles présentées auprès de la communauté d’ascendance chinoise pour les politiques d’exclusion passées en 2006 par le premier ministre Stephen Harper au nom du gouvernement du Canada, en 2010, par la ville de New Westminster, ainsi qu’en 2014 par la première ministre Christy Clark pour la Colombie-Britannique.