L’Armenian Cultural Association of British Columbia a fêté ses 50 ans le 17 mars dernier. L’occasion de revenir sur l’histoire de la communauté dont elle a été le témoin privilégié au cours des dernières décennies. L’adaptation à la vie vancouvéroise des Arméniens se heurte parfois à un passé douloureux, toujours vivace, partagé avec d’autres communautés immigrées.
L’Armenian Cultural Association est la toute première organisation arménienne de la région, « qui précède même l’implantation d’églises », précise Arto Tavukciyan, vice-secrétaire. En 1968, une poignée d’Arméniens vivait alors en Colombie-Britannique, « dont le propriétaire de la première entreprise arménienne de Vancouver, Monsieur Kachazouni, fondateur de Ararat Rugs dans les années 1930 », qui est désormais située sur la rue Granville.
Puis, plusieurs vagues successives d’immigrants arméniens arrivent dans les années 1970. Les deux églises apostoliques de Saint Vartan et Saint Gregory sont alors bâties. La population croît lentement à Vancouver, fortement concurrencée par Montréal et Toronto. « Ces deux villes étaient plus grandes, mieux connues et plus proches de l’Europe et du Moyen-Orient », relève Arto Tavukciyan. Dans les années 1990, la population arménienne grossit, attirée par la promesse d’un climat plus tempéré et par les paysages séduisants de la région. « Il y a aussi eu une migration depuis Montréal et Toronto car leurs économies stagnaient à cette période », ajoute le vice-secrétaire.
Aujourd’hui, la communauté arménienne de Vancouver compte environ 2 500 personnes. « Nous sommes très actifs, avec beaucoup d’organisations culturelles et de bienfaisance », précise le responsable. Plus récemment, la communauté s’est vue renforcée de migrations en provenance de la Syrie, « du fait de la guerre et des parrainages par les familles arméniennes-vancouvéroises ».
Une histoire qui dure
L’année 2015 a marqué le centenaire du génocide arménien, perpétré par les Ottomans. Un monument en mémoire des victimes a été construit en 2014 au cimetière Mountain View de Vancouver. « Le monument est une sculpture en forme d’empreinte, celle d’un survivant, qui rend hommage au million et demi de victimes », explique Arto Tavukciyan.
Le lieu est souvent visité par les Arméniens, le cœur lourd, mais pas seulement. « Arméniens et non-Arméniens se réunissent chaque année le 24 avril dans nos deux églises et au monument pour la commémoration. Les gouvernements du Canada et de la province, qui ont tous les deux officiellement reconnu l’atrocité, envoient leurs représentants », témoigne le vice-secrétaire de l’association culturelle.
Si pour les Arméniens le génocide ne fait pas de doute, il n’en est pas de même pour d’autres qui remettent en cause sa véracité. « Presque toutes les nations occidentales ont reconnu le génocide arménien, sauf le gouvernement turc qui continu de le nier, indique Arto Tavukciyan. Les Arméniens, qu’ils soient jeunes ou vieux, luttent pour que le gouvernement turc arrête sa campagne de déni, qu’il reconnaisse le génocide, et qu’il présente ses excuses aux descendants ». Pour lui, le combat ne concerne pas seulement la mémoire des victimes, « mais aussi le vol et la destruction des terres et de la culture de tout un peuple qui a vécu depuis des temps immémoriaux dans l’est de la Turquie ».
Une cohabitation difficile
La diaspora arménienne résulte essentiellement du génocide de 1915. « Depuis cette expérience, les Arméniens ont su vivre côte à côte en harmonie avec les peuples de leurs pays d’accueil »,
raconte Arto Tavukciyan. Bien intégrés, les Arméniens de Vancouver conservent des fortes valeurs familiales et d’éducation, « vecteur d’intégration » pour le vice-secrétaire.
Malgré tout, la situation politique avec la Turquie est source de tensions entre les deux peuples arménien et turc qui peinent à trouver un terrain d’entente, y compris à Vancouver. « Avec la communauté turque, c’est un peu sensible. Il n’y a aucun échange culturel. Mais il existe beaucoup d’amitiés personnelles entre Arméniens et Turcs à Vancouver », indique Arto Tavukciyan.
Le responsable souligne que les deux peuples partagent une longue histoire, vieille de plus de 500 ans, « avec beaucoup de coutumes en commun, notamment en cuisine et en musique ». Avec la communauté iranienne, en revanche, les relations sont beaucoup plus détendues : « Les Arméniens s’entendent très bien avec les Iraniens car ce sont deux pays frontaliers avec beaucoup d’intérêts communs », explique-t-il.
Et les Arméniens francophones dans tout ça ? « La diaspora arménienne du Liban et de Syrie est généralement francophone. La France est aussi le lieu du plus connu des Arméniens : Charles Aznavour ! », lance Arto Tavukciyan. D’ailleurs, le Sommet de la Francophonie 2018 se tiendra en octobre à Erevan, capitale de l’Arménie.