Tous les quatre ans, pour la même raison, j’aime chanter : « Je me fous du monde entier quand le championnat du monde de foot prend pied » (Claude Léveillé, j’espère, me pardonnera cette pauvre tentative de plagiat). Ne cherchez pas à me contacter pendant les quatre prochaines semaines, je suis indisponible. Je fais une pause; une pause bien méritée.
La terre peut trembler ou s’arrêter de tourner, les volcans peuvent exploser, les ouragans se déchaîner, les océans se déchirer, les cieux s’ouvrir, peu importe, je me retire, je coupe les ponts mais pas les vivres car je tiens à vivre. Trudeau peut retourner en Inde et commettre autant de bévues inimaginables qu’il le désire, je ne broncherai pas; le foot, ou le soccer pour les non-initiés, passe avant tout.
Traitez-moi d’abruti, de délinquant, de demeuré, de crétin, d’andouille ou tout autre oiseau de la sorte vous ne me ferez pas quitter mon poste de télé pour autant. Car, faute de pouvoir me rendre en Russie pour vivre ce championnat, c’est bien à la télévision que j’ai l’intention de suivre les élites de ce jeu inventé par les dieux pour satisfaire les yeux de ceux qui apprécient ce que le sport offre de mieux.
Évidemment j’en rajoute un peu mais j’ai du mal à me contenir. Je suis emporté par un élan qui me dépasse. L’idée d’être témoin de toutes ces passes plus précises les unes que les autres avec pour but de marquer des buts, me pulvérise vers des sommets jamais atteints. L’évènement est bien trop spécial pour m’en passer.
Le foot possède le don d’oblitérer, momentanément il est vrai, tous vos ennuis, tous vos soucis; un antidote exceptionnel contre le vague à l’âme et la déprime. Durant tout ce voyage footballistique les problèmes de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) avec sa possible clause crépusculaire assez crapuleuse ainsi que la guerre tarifaire imposée par Washington, ne peuvent me priver de la passion que j’éprouve envers ce sport qui, je n’exagère pas, n’a rien à envier à toute autre forme d’art.
L’oléoduc Kinder Morgan pour lequel le gouvernement de Justin Trudeau compte investir, en puisant dans les poches des contribuables une modeste somme de l’ordre de 4 milliards et demi de dollars sans nous demander notre avis, ne devrait en aucune façon atténuer l’enthousiasme illimité que je ressens à la venue de ce championnat du monde qui pointe déjà son nez à l’horizon.
La récente tenue des élections en Ontario, que je qualifierais de désastreuse, d’aberrante selon mes critères, m’a, je dois l’avouer en toute sincérité, quelque peu déboussolé pour ne pas dire bouleversé, même terrassé. Avant même de connaître les résultats, j’avais déjà songé à abandonner toute possibilité de réjouissances auxquelles je pensais avoir droit. Le foot devenant la première victime de mon soudain profond trouble. Puis, suite à une réflexion mûrie par le bon sens, je me suis dit que ce n’étaient pas ces élections de piège à cons, comme le disaient les français de mai 68, qui allaient gâcher mon plaisir et réprimer ma sérénité. Non je me devais de redresser la barre. Ce que je fis en faisant fi des fans de Ford et de son élection qui défie toute raison.
L’esprit dorénavant, calmé je vais pouvoir consacrer toute mon attention à ma bonne intention qui est de ne pas manquer un match de ce championnat. En 2011, alors qu’il était à l’époque premier ministre, Vladimir Poutine avait déclaré que l’épreuve devait se dérouler dignement, sur des principes de tolérance et de bienveillance. Vous m’en direz tant. La Fédération internationale de football association(FIFA) venait de remettre à la Russie le soin d’organiser cette importante compétition. Depuis qu’il est redevenu président de son pays et suite à ses incessantes entourloupettes politiques, permettez-moi d’émettre quelques doutes sur le bien-fondé de ses propos dont l’objectif évident est de nous éberluer comme le ferait un miroir aux alouettes. Après avoir obtenu les jeux d’hiver de Sotchi et enfin l’organisation du championnat du monde de football, Vladimir la Menace, émule d’Ivan le Terrible, a donc réussi à piéger le Comité international olympique (CIO) et la FIFA. Faut le faire. Maintenant, je comprends pourquoi Trump, envieux de la sournoiserie de son compère, lui porte autant d’admiration.
Pour l’amour du football je suis ainsi prêt comme Faust à vendre mon âme au diable. Je suis prêt à faire abstraction du mal fondé de ce championnat pour avoir le plaisir de voir évoluer des joueurs tels que Ronaldo, Messi, Iniesta (mon favori), Salah, Griezmann, Hazard, Neymar et bien d’autres encore qui méritent tout autant mon admiration.
Il me reste deux jours avant le début de l’épreuve ; mon pronostic ? Pour la rime, finale magique: la Belgique.