Censure ou connivence, communication ou réelle information, les liens entre médias et politique peuvent parfois apparaître opaques. Les médias, quatrième pouvoir d’un état, sont en pleine mutation à l’heure du numérique tout en essayant de préserver leurs modes de diffusion traditionnels. Pour décrypter la situation, Corinne Schweizer, docteure en sciences des médias et des communications à l’Université de Zurich, tiendra une conférence le 18 juin au Centre Harbour de l’Université Simon Fraser.
Let’s Talk Policy! Public Service Media as Commons? sera un échange visant à mieux comprendre le fonctionnement des services publics et leur nécessité. Avec des offres médiatiques de plus en plus variées et une consommation en ligne grandissante, les médias publics doivent renforcer leurs structures afin de proposer des services universels de qualité, tout en assurant une viabilité économique. Un dilemme auquel les pays répondent différemment.
Un média de service public, c’est quoi ?
Un média de service public est en général une organisation médiatique attachée à l’état, à l’instar de la Société Radio-Canada. Corinne Schweizer donne une définition pointue : « C’est à la fois un contenu et une structure organisationnelle qui doivent être distincts des médias privés ».
Les médias, devenus omniprésents, représentent un outil d’information, d’éducation et de divertissement. Si cet aspect est présent au sein des 18 pays étudiés par la docteure, la principale différence se situe au niveau du financement, elle-même issue de choix politiques. Car faire perdurer la qualité suppose des financements suffisants. Ainsi, certains pays n’hésitent pas à faire appel aux publicités. La plupart du temps, financements public et privé s’allient dans un cadre légal.
Le Centre des recherches de Corinne Schweizer s’articule autour du concept de « commons »,
ou « communes ». Ce terme décrit « les ressources partagées et leur gestion », indique l’experte. Dans les années 1970 et 1980, elles désignaient avant tout les ressources naturelles comme les forêts ou les eaux. Aujourd’hui, on pense aux ressources dématérialisées comme le savoir et l’information.
Les médias en mouvement
Le Canada se rapproche de certains pays européens comme la Suisse et la Belgique. « Ces pays ont plus d’une langue officielle structurant le marché des médias et les médias de service public, relève Corinne Schweizer. Le Canada est aussi un pays avec un voisin majeur en termes de langue et d’offre médiatique ».
Pour offrir un service public pertinent et viable économiquement, le concept de communes prend tout son sens : la nécessité s’impose à tous pour faire vivre la culture, au sens large, d’un pays.
Malgré les différences de fonctionnement, le constat est le même : la consommation médiatique est en mutation, notamment entre générations. Alors que les chaînes se déploient de plus en plus en ligne, les services publics doivent s’adapter. Pour y parvenir, les politiques font face à trois défis de taille : le manque de ressources financières, le changement culturel des organisations, et les réglementations.
Les recherches de Corinne Schweizer démontrent que les coupes budgétaires par les politiques dans le secteur des médias publics sont souvent synonymes d’affaiblissement, voire de censure de ces services, ce qui peut favoriser les partis d’extrême droite de plus en plus présents en Europe.
Les médias de service public sont à l’aube d’un âge nouveau. Évoluant dans un paysage médiatique souvent saturé, ils constituent la source d’information la plus fiable pour le public et sont aussi le garant des « communes ». Corinne Schweizer conclut : « Ils couvrent des voix et des perspectives peu commerciales pour les médias privés, mais d’utilité publique ». Bref, ils sont une garantie de démocratie.
Let’s Talk Policy! le 18 juin à 17h30 au SFU Harbour Centre, au 515 West Hastings Street
www.sfu.ca/sfu-community/events.html?=1&calendar_id=4#!view/event/event_id/2285
www.lse.ac.uk/media@lse/WhosWho/AcademicStaff/Corinne-Schweizer.aspx