À ceux qui me demandent de la décrire, j’aime comparer Vancouver aux forêts qui l’entourent que je sillonne si souvent. Cèdres, pins, cyprès, autant de variétés qui servent à former cet ensemble vert. À celui qui prend le temps de regarder, il peut distinguer toutes les nuances, où chacune a sa place et contribue à un écosystème sain. J’espère que la ville et ses résidants ne céderont jamais à la différence indifférenciée mais que les identités multiples seront préservées aussi longtemps que ces forêts primaires.
J’ai immigré à Vancouver pour l’accès aux montagnes et tous les grands espaces alentour. Bien qu’étant située sur la côte ouest, je m’attendais à trouver un certain biculturalisme, aussi faible fût-il. J’ai pris conscience des nombreuses dimensions socioculturelles de la ville d’abord par force mais ensuite par choix.
Je me souviens d’avoir entendu dès les premiers jours: « Ah ces Chinois, avec leurs manières et leur impolitesse ». Le ton était poli, à l’image des Canadiens, mais ces propos m’avaient interpellée. Le racisme anti population asiatique a pris de l’ampleur ces dernières années, mais l’hostilité, fût-elle subtile comme la remarque de mon ami, fait date. Leurs mœurs peuvent contrarier. C’est difficilement contestable d’un point de vue à prégnance occidentale. Je m’en suis d’ailleurs sentie agacée lorsque je l’ai expérimenté à mes dépens. Mais très vite, j’ai voulu comprendre ces usages. Je me suis refusée à réagir sans connaître.
Je crois me souvenir de la première personne à qui j’ai osé poser une question. C’était à une femme chinoise que je croisais depuis des mois dans le parc devant mon immeuble. Dans un anglais approximatif mais avec un sourire, elle m’expliqua pourquoi elle se châtiait de frappes le long du corps. Certes, j’aurais pu demander à Google, mais j’ai choisi de m’intéresser à la personne, et apprendre d’elle, qu’il y ait un échange. De ces conversations, j’ai découvert la diversité méconnue de la gastronomie chinoise, les bienfaits de leurs médecines alternatives et à quel point, en réalité, c’est un peuple très communautaire qui place la famille et les amis au centre de la vie sociale. Depuis, j’ai élargi « mes recherches » à d’autres communautés que je connais peu ou prou, comme autant de remises en question et de sources de découvertes.
Je crois avoir toujours « posé (beaucoup) de questions » mais rarement avec des gens que je ne connais pas, je n’aurais pas abordé d’étrangers auparavant. Mais ici, je me suis sentie à l’aise, en mettant les formes bien sûr. Je pense que l’élément déclencheur a été le fait que l’on me posait à moi des questions sur ma provenance, mes habitudes culturelles, etc. Cette fameuse chaleur canadienne des échanges humains où l’on se salue et se parle si facilement.
Certains considèrent cela superficiel et critiquent le côté éphémère. Je trouve pour ma part que cela crée un environnement propice à l’échange, à la prise en compte du voisin. On se sent considéré. Même pour quelques secondes. « Les victoires, petites et grandes, sont à notre portée chaque jour si l’on s’entraîne à les voir ». Cela vaut pour la gentillesse et le civisme. J’y trouve de l’agrément et je sens que j’ai changé grâce à cela. Je suis plus patiente, compréhensive, instruite je le pense, et chaleureuse je l’espère.