Les organismes de bienfaisance, sans but lucratif et bénévoles du Canada, qui sont d’une importance vitale mais qui sont négligés depuis longtemps, méritent l’attention et l’appui du gouvernement fédéral.
Les 170 000 organismes de bienfaisance, sans but lucratif et bénévoles du Canada et leurs millions de bénévoles et d’employés jouent un rôle important dans la société canadienne. Qu’il s’agisse de fournir des services sociaux ou d’orienter la recherche et le développement communautaire, les Canadiens ressentent chaque jour les effets de leur travail. On ne peut sous-estimer l’incidence économique du secteur caritatif. Les organismes de bienfaisance et sans but lucratif injectent chaque année plus de 150 milliards de dollars dans l’économie du Canada, soit 8 % de notre PIB.
En dépit de ces chiffres, le secteur caritatif du Canada se heurte à de nombreux défis. Au cours des dix prochaines années, on s’attend à ce que la demande pour les services essentiels fournis par ces organismes augmente considérablement, mais il est peu probable que les revenus suffisent à cette demande. Selon les prévisions d’Imagine Canada, les organismes caritatifs auront besoin d’un influx de revenus supplémentaires de 25 milliards de dollars d’ici 2026 pour éviter ce qu’il appelle un « déficit social ».
L’an dernier, pour la première fois depuis plus de 20 ans, le Comité sénatorial spécial sur le secteur de la bienfaisance a réalisé une étude exhaustive du secteur. Dans le cadre des travaux du comité, nous avons entendu 160 témoins lors de 24 audiences publiques, et reçu 695 réponses d’organismes du secteur par le biais de notre sondage en ligne. Notre rapport, intitulé Catalyseur du changement : une feuille de route pour un secteur de bienfaisance plus robuste, indique certains des changements réglementaires dont ont besoin les organismes de bienfaisance au Canada pour prendre de l’essor, et il établit une vision sur les mesures qui doivent être prises par le gouvernement fédéral pour appuyer leur travail.
Nos recommandations visent à offrir un soutien à long terme au secteur, notamment en aidant les bénévoles et les employés qui dirigent le travail inestimable du secteur.
Selon Statistique Canada, les bénévoles canadiens consacrent près de deux milliards d’heures à des activités bénévoles par année, ce qui équivaut à un million d’emplois à temps plein. Toutefois, il y a une transformation dans la façon dont les Canadiens donnent de leur temps. De nombreux organismes de bienfaisance, sans but lucratif et bénévoles ont de la difficulté à conserver leurs bénévoles et à créer des possibilités attrayantes pour ceux qui veulent donner de leur temps tout en répondant aux besoins de leurs organisations.
Selon nous, le gouvernement fédéral a un rôle à jouer pour soutenir et accroître le bassin de bénévoles au Canada. Notre rapport recommande que le gouvernement fédéral mette en œuvre une stratégie nationale sur le bénévolat.
Un certain nombre d’efforts déployés à l’échelle nationale pourraient découler d’une stratégie comme celle-là. Par exemple, le gouvernement fédéral pourrait collaborer avec le secteur caritatif en vue de cerner les pratiques exemplaires en matière de recrutement, de rétention et de gestion des bénévoles. Les ministères et les organismes fédéraux pourraient s’efforcer de trouver de nouvelles façons de souligner le travail des bénévoles dévoués au Canada, notamment au moyen d’activités à l’échelle locale et de campagnes nationales.
De plus, les dirigeants politiques du Canada pourraient trouver de nouvelles sources de bénévoles en invitant les employeurs canadiens à élaborer des stratégies de bénévolat d’entreprise. Les dispositions de financement à court terme portent gravement atteinte aux 2 millions de Canadiens qui travaillent dans ce secteur.
En termes simples, les ententes de financement imprévisibles et à court terme créent des emplois précaires dans le secteur caritatif : les salaires sont bas et il est difficile d’obtenir des avantages sociaux et une pension de retraite. Même s’il est attrayant de travailler pour le mieux-être de nos communautés, il est de plus en plus difficile pour le secteur de rivaliser avec les industries à but lucratif dans sa recherche de main-d’œuvre qualifiée.
Nous pouvons alléger les pressions exercées sur les organismes de bienfaisance et leurs travailleurs en reconnaissant que les changements coûtent de l’argent. En travaillant de concert avec le gouvernement fédéral, nous pouvons conclure des ententes de financement à long terme avec des organismes de bienfaisance et sans but lucratif qui assument une plus grande partie des frais généraux et administratifs liés aux activités du secteur. Le gouvernement fédéral peut également appuyer la mise en place de régimes de retraite pour les travailleurs du secteur et collaborer avec ce dernier en vue d’élaborer un plan de renouvellement des ressources humaines qui favorise un travail équitable et assure la viabilité à long terme de son effectif.
Nous devons également accorder plus d’attention à la façon dont nous définissons la bienfaisance et la façon dont ce secteur est réglementé. Les organismes de bienfaisance enregistrés doivent toujours répondre à l’un des quatre objectifs de bienfaisance suivants : le soulagement de la pauvreté, l’avancement de l’éducation, l’avancement de la religion ou la prestation d’autres services qui représentent un avantage pour la communauté. Ces catégories sont tirées d’une définition de la common law britannique qui n’a pas été mise à jour depuis 1891.
Le Canada a beaucoup changé depuis ce temps, et nous devons veiller à ce que les lois qui régissent nos organismes de bienfaisance reflètent nos valeurs et les besoins de nos communautés. Nous recommandons d’examiner la façon dont nous définissons la bienfaisance au Canada et dont sont examinés les appels des décisions de l’Agence du revenu du Canada (ARC) concernant le statut d’organisme de bienfaisance.
À mesure que le Canada a évolué, les priorités intégrées dans nos politiques nationales ont changé et se sont multipliées. Or, de nombreux organismes sans but lucratif au pays peinent à obtenir le statut d’organisme de bienfaisance. Même s’ils s’affairent à résoudre les problèmes modernes, l’ARC considère bien souvent que leurs missions et leurs méthodes innovatrices ne constituent pas des activités de bienfaisance.
Des pays comme l’Australie et le Royaume-Uni ont connu des difficultés semblables, mais ont trouvé des solutions en adoptant des lois au Parlement qui donnent une définition juridique de la bienfaisance. Selon nous, le nouveau comité consultatif sur le secteur caritatif de l’ARC devrait être chargé de déterminer s’il incombe au Canada de faire de même.
Au cours des 15 mois qui ont été nécessaires pour réaliser notre étude, nous avons appris que la common law pourrait évoluer plus librement si les demandes d’appel provenant d’organismes dont le statut d’organisme de bienfaisance a été révoqué ou refusé par l’ARC étaient renvoyées à la Cour canadienne de l’impôt.
À l’heure actuelle, les décisions de l’ARC concernant les organismes qui présentent une demande de statut d’organisme de bienfaisance peuvent faire l’objet d’un appel devant la Cour d’appel fédérale. Malheureusement, les juges de la Cour d’appel fédérale ne sont pas en mesure d’examiner de nouveaux éléments de preuve – ils peuvent uniquement examiner la décision de l’ARC. Une juriste a d’ailleurs indiqué au comité qu’« aucune organisation sans but lucratif n’a remporté un appel relativement à son enregistrement au Canada depuis plus de 20 ans. »
Qu’il s’agisse de la valeur économique du bénévolat ou de la dépendance du gouvernement fédéral au secteur caritatif, les organismes sans but lucratif et les organismes bénévoles fournissent d’importants services publics. Il est impossible de nier l’effet positif du secteur caritatif sur l’ensemble du Canada : les services de santé, l’éducation, les arts, les sports et loisirs, l’environnement, les programmes sociaux, la justice pénale et l’intervention d’urgence sont tous des domaines soutenus par les efforts bénévoles de millions de Canadiens et gérés par des employés dévoués qui disposent d’un financement imprévisible et insuffisant pour créer chaque jour des miracles dans leur communauté.
Maintenant plus que jamais, le secteur caritatif a besoin d’être représenté au gouvernement. Les tendances en matière de bénévolat évoluent et la demande pour les services de bienfaisance est toujours grandissante. Nous exhortons le gouvernement à se servir du rapport du comité, qui comprend 42 recommandations, comme feuille de route en vue de moderniser le secteur et de donner aux organismes de bienfaisance et sans but lucratif et aux bénévoles les outils dont ils ont besoin pour renforcer l’une des impulsions humaines les plus fondamentales : celle de vouloir aider une personne dans le besoin.
Le sénateur Terry M. Mercer est le président du Comité sénatorial spécial sur le secteur de la bienfaisance. Il représente la Nouvelle-Écosse (Northend Halifax).
De son côté, la sénatrice Ratna Omidvar est la vice-présidente du Comité sénatorial spécial sur le secteur de la bienfaisance. Elle représente l’Ontario.