Y-a-t-il autant d’interprétations qu’il y a de personnes ? Ou bien autant que de cultures ? C’est là l’interrogation, en essence, au cœur de la prochaine exposition sino-canadienne d’art contemporain, Investigation of Things 格物, organisée par le jardin Sun Yat-Sen de Chinatown et qui y a lieu actuellement.
Coup de projecteur sur cette exposition énigmatique.
Un dicton qui fait réfléchir
Ne dit-on pas que la beauté réside dans l’œil du spectateur ? Qu’une opinion n’a trait qu’à la personne qui émet le jugement ? Cependant, certaines appréciations peuvent être similaires au sein d’une même culture. Lam Wong et Steven Dragonn, les deux commissaires, expliquent que « L’examen des choses (Investigation of Things) est un dicton chinois ancien faisant référence à l’étude des objets et leurs interprétations, grâce à l’utilisation d’une technique d’observation pour acquérir l’état de sagesse ». Ils ajoutent que « la pensée occidentale met l’accent sur l’objectivité d’une analyse et ses formes matérielles, la pensée chinoise se concentre sur l’unité ».
Cette différence, qui souligne une opposition marquée, est ce qui a motivé les deux commissaires et leurs consultants à créer cette exposition, avec le souhait de « mettre en lumière cette idée, en particulier auprès des cultures occidentales ». Investigation of Things 格物 a donc pour eux le but « de servir de point de départ à une réflexion sur les différentes méthodologies des deux cultures (NDLR : chinoise et canadienne), et de susciter des réponses uniques émanant des différentes perspectives que chaque artiste peut avoir ». De plus, comment ces perspectives opposées, à tout le moins variées, impactent notre vue du monde qui nous entoure. Ils expliquent aussi que dans la culture chinoise, « les objets représentent souvent des émotions et des idées plus profondes. C’est un sujet historique et de longue tradition au sein des cercles intellectuels (chinois) ».
Observations croisées sino-canadiennes
Venant d’un lieu d’exposition aussi traditionnel que le jardin « classique » du Sun-Yat Sen, le choix des arts visuels contemporains comme plateforme de dialogue pour saisir ce concept peut surprendre. Interrogé, Lam Wong explique que le comité de direction souhaite développer des expositions dudit style pour casser avec celles, effectivement, plus traditionnelles et plus communes qu’elle organise déjà depuis longtemps. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle Wong, dont c’est la spécialité, en est actuellement l’artiste en résidence. Et c’est aussi l’une des sources de motivation de ce dernier.
« Nous sommes très enthousiasmés à l’idée de présenter le travail d’artistes contemporains dans un décor traditionnel comme le Sun-Yat Sen, » précise-t-il.
Un choix international
Le choix des artistes s’est fait de concert avec les chercheurs et professeurs d’art réputés consultés, de Chine et du Canada. Ainsi, dix artistes présenteront leurs œuvres : six Chinois, deux Canadiens, ainsi qu’un Américain et un Iranien, ces derniers ayant étudié à l’Université de Colombie-Britannique (UBC).
Les œuvres n’ont pas toutes été créées spécifiquement mais s’adaptent cependant parfaitement au sujet. C’est le cas de celles d’Evann Siebens, Canadienne basée à Vancouver. Elle réutilisera en outre sa vidéo Gesture (gestuelle), « qui explore la gestuelle des mains entre trois générations » et des travaux également déjà présentés sur la danse, qui explorent « comment la danse peut se révéler être une expérience physique sublime et de joie pour tout le monde, pas seulement pour les danseurs professionnels », confie-t-elle. Pour elle, un tel sujet a effectivement son importance dans le contexte actuel.
« L’échange entre les cultures est souvent mené par les artistes, et j’ai le sentiment que nous n’y faisons pas exception », explique-t-elle. « Je suis particulièrement intéressée par la conversation qui se tient entre les artistes de cultures différentes, et souvent je montre ces similarités, et les différences par le langage de la danse ». Et d’ajouter : « un échange entre artistes canadiens et chinois tombe à point nommé, et je suis impatiente de voir ce qui va en sortir. A quel point les opinions seront similaires, à quel point elles seront différentes ».
Pour l’Américain Jay Pahre, l’objet de son attention actuelle s’est naturellement appliqué à la thématique de l’exposition.
« J’ai beaucoup pensé ces derniers temps à la friction : le fait de frotter deux matériaux l’un contre l’autre, en tant que procédé pour créer un changement ou une transformation », partage-t-il. « En réfléchissant à l’exposition, je pense que c’est (un thème) opportun. Avec un point central intégrant plusieurs réponses et plusieurs perceptions de formes matérielles, cette exposition montre, lorsqu’elles sont confrontées, comment travailler un matériau de plusieurs manières et avec créativité. »
Confrontez votre propre interprétation des objets présentés, à partir du 23 janvier, au jardin Sun-Yat Sen de Chinatown.
Entrée gratuite sur donation.
www.vancouverchinesegarden.com