A l’heure où le contrôle de l’information est devenu un des enjeux stratégique, politique et social majeur, il n’est pas inutile de se renseigner sur les sources d’informations disponibles pour les différentes communautés.
Plus de 132 000 Britanno-Colombiens ne parlent aucune des deux langues officielles, (statistique Canada 2016). Une partie de ceux-ci sont membres de la communauté des 5000 000 Britanno-Colombiens qui se réclament d’origine chinoise, que ce soit de la Chine continentale, de Taïwan ou de Singapour (environ 22% de la population).
Une télévision chinoise locale
« Les personnes d’origine chinoise de première génération préfèrent de loin avoir accès à des média en chinois pour s’informer », nous explique David Jang, ancien producteur d’émissions d’actualité sur la chaîne de télévision canadienne FairChild TV (Vancouver), et journaliste pour le groupe de presse canadien en mandarin Sing Tao (édition Vancouver). Les sources de ces journaux sont principalement les agences de presse anglo-saxonnes (comme Associated Press ou Reuters) mais une attention particulière est portée à tout ce qui se produit dans l’Empire du Milieu. Dans ce cas, la principale source d’information est apportée par l’agence de presse Xinhua, plus connue sous le nom de Chine Nouvelle contrôlée par le Parti communiste Chinois.
C’est sans doute en raison de la méfiance qu’inspire cette agence de presse non indépendante que les résidants sinophones de la Colombie-Britannique préfèrent s’en remettre à des chaînes de télévision nord-américaines (FairChild TV déjà cité mais aussi ChineseinLA ou encore Phoenix North America Chinese Channel du groupe Rogers). Le point commun de ces chaînes, c’est leur manière de récolter les informations. Outre les agences de presse déjà citées, elles utilisent énormément les réseaux sociaux, en particulier WeChat et ces groupes de résidants en Amérique du Nord qui comptent parfois des centaines de milliers de membres. C’est ce que nous explique Fionn Le, ancienne directrice marketing pour Fortune World Magazine, une institution qui va marquer ses 74 ans et qui s’adresse aux investisseurs chinois en anglais et en mandarin.
Une presse écrite
Elle-même immigrante de première génération, Mme Le explique que : « Quand je travaillais dans ce magazine, à peine vingt pour cent de l’information que je consommais était en anglais, le reste était en mandarin ou en cantonais. La plupart de nos articles trouvaient cependant leurs sources en anglais ». Avec un tirage à 10 000 exemplaires par mois et près de 100 000 visiteurs uniques, c’est un des plus gros médias purement vancouvérois dans les deux langues.
Pour David Jang, ces médias en chinois ont un rôle très important : « Beaucoup de Chinois sont arrivés avec une connaissance très limitée de l’anglais et c’était une des seules façons pour eux de comprendre le pays ». D’ailleurs, presque tous les sites d’informations consultés comprennent des sections « se faire des amis »
« nouveaux immigrants » et bien sûr les traditionnelles petites annonces pour travailler dans leur langue d’origine.
Est-ce que le besoin de ces médias en chinois va continuer à se faire sentir dans le futur ? « Si les immigrants de première génération préfèrent de loin s’informer dans leur langue d’origine, ceux de seconde et de troisième génération consomment presque exclusivement des médias anglophones », nous explique David Jang. Il en va de même pour les jeunes adultes arrivés au Canada avec une bonne maîtrise de la langue qui désirent s’intégrer rapidement dans leur environnement. « Comparé à il y a quelques années, ma façon de m’informer a énormément changé », renchérit Fionn Le, « avant, plus des trois quarts des médias que je consultais étaient en chinois, et un quart seulement en anglais, mais depuis deux ou trois ans, le rapport s’est inversé »
Consulté sur l’influence que peut avoir Pékin dans la façon dont est distribuée l’information, David Jang explique : « Je ne connais aucun média en langue chinoise diffusé au Canada dont les propriétaires ne soient pas eux-mêmes nord-américains, ce qui, je pense, limite l’influence de la Chine continentale »
À voir, car si YouTube est interdit en Chine, cela n’empêche pas les chaînes de télévisions continentales de rendre accessible leur contenu sur la plateforme, et ces vidéos cumulent souvent des millions de vues. « Pour ce qui est des médias purement chinois, je dirais que soixante pour cent de ce que je regarde vient de la Chine continentale, trente pour cent de Hong Kong et dix pour cent de Taïwan », avoue ainsi Fionn Le. À l’heure où la manipulation de l’information peut conduire des foules à envahir le Capitole, on voit bien que Pékin tente d’influencer sa diaspora, même s’il a pris du retard face aux médias déjà existants.