Rencontre avec Rokia Tamache : la sagesse du papillon

Les œuvres de Rokia Tamache sont toutes traversées par des valeurs humanistes fortes. Son dernier roman, Les Révélations d’un papillon, évoque les causes et les effets de l’Invisible. Rencontre littéraire avec une femme pleine de lumière.

Engagée et battante, voici comment Rokia Tamache se définit. Cette Canadienne d’origine algérienne jongle entre pinceaux et plume. Elle brosse des tableaux à l’aquarelle et peint également sur des écharpes et foulards en soie. L’eau et la lumière nourrissent son âme, comme elle aime à le rappeler.

Arrivée à Montréal dans les années 1980, seule avec ses deux fils, Rokia Tamache collectionne les certificats académiques en littérature, en psychologie et en art.

« L’écriture est venue à moi. Elle m’exalte car elle me permet de partager mes réflexions avec mes semblables de tous âges », explique la romancière.

Elle décide de s’installer à la retraite à Vancouver en 2015 parce que la proximité de la mer lui rappelle la Méditerranée.

Le spirituel
Non sans rappeler le Rêve du papillon de Tchouang-tseu, un philosophe taoïste du 4e siècle av. J.C., Les Révélations d’un papillon est teinté de spiritualité. Il relate le cheminement d’un homme à qui la vie sourit mais en prise avec un malaise existentiel. Suite à la rencontre d’un papillon dans un parc, puis d’un sage, il découvrira la racine de son mal : des dettes de conscience et un poids intergénérationnel.

Rokia Tamache, une auteure francophone qui est arrivée à Vancouver en 2015. | Photo de Rokia Tamache

Ce roman met en exergue l’interrelation. « Chaque acte a sa cause et son effet. Par exemple, avec le projet de l’oléoduc, on nous avance que ça va créer des emplois mais ça va aussi apporter des maladies », avance Rokia Tamache.

Elle continue par rapport à la situation actuelle : « Ce n’était pas prévu mais c’était déjà su. En ce moment, certaines personnes refusent de croire qu’un virus fait tant de ravages parce qu’il est invisible. C’est l’impartialité qui va aider le monde. »

La justice sociale
Rokia Tamache a fait ses débuts en qualité de romancière avec « La goutte qui déborda ». Cette tribune pour le droit des enfants issus du don de sperme anonyme est née lors de l’annonce de l’ouverture d’une clinique pour donneurs à la radio en 1990.

« L’annonce m’a fait dresser les cheveux sur la tête. J’ai tout de suite réagi en me disant « Mon Dieu, et la consanguinité ? » confie-t-elle. « Je suis une femme engagée et fidèle à moi-même », explique Rokia Tamache, qui n’avait pas hésité à contacter une clinique pour avoir de plus amples renseignements.

L’écrivaine avait alors découvert que c’était la mention « père inconnu » qui était alors inscrite sur le dossier de donneurs, et exulte en se rappelant cet épisode : « Mais il n’est pas inconnu : il est anonyme ! Anonyme ! ».

Son autre cheval de bataille est la dénonciation de l’avarice. Son deuxième roman Le plan Vénus mon amour fustige l’appât du gain et la convoitise. Ce roman de science-fiction questionne la responsabilité collective. Elle revient dans son dernier roman, Les Révélations d’un papillon sur l’existence de dettes cosmiques et collectives par le biais d’un protagoniste cheminant sur ses malaises existentiels.

Le respect
Le respect est au centre de la vie de Rokia Tamache. « Ma grand-mère me demandait de respecter même le sol sur lequel je posais mes pieds. J’ai grandi en respectant tout autour de moi. Même quand je suis seule, j’ouvre le robinet scrupuleusement, je ne gaspille pas parce que je pense aux autres. Certains n’ont pas assez d’eau, pas assez de nourriture alors je fais très attention. J’ai les moyens de m’offrir tout ça mais je fais attention », confie l’écrivaine.

Bourdon, son roman destiné à la jeunesse, revient sur le respect de la nature. Guidé par un papillon, une fourmi, une cigale et une coccinelle, le lecteur prend conscience de l’impact de l’activité humaine et des conséquences d’un camping ne respectant pas des règles innées des adultes sur l’environnement. L’écrivaine croit évidemment à l’éducation comme clé pour un futur meilleur.

Quant à son dernier roman, Les Révélations d’un papillon, Rokia Tamache conclut : « Je remercie la vie de m’avoir alloué le temps de concrétiser ce récit. Je tenais vraiment à écrire ce livre. J’étais satisfaite. Je demeure à l’affût de toute nouvelle qui fait évoluer les peuples » en espérant un effet papillon positif, engendrant un ouragan de conscience.

Les Révélations d’un papillon, aux Éditions du Tullinois, sera en librairie en février.

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