Aviez-vous une particularité quelconque lorsque vous étiez enfant ? Petite, je faisais cette chose plutôt ridicule : je gardais le meilleur pour la fin. Tout a commencé en voulant conserver la meilleure bouchée de nourriture pour la fin. Lentement, cette habitude s’est répandue dans d’autres parties de ma vie. Par exemple, si quelqu’un me donnait un bonbon, je ne le mangeais pas tout de suite. Je le conservais jusqu’à ce que j’en aie vraiment besoin –
j’attendais le bon moment pour pouvoir en maximiser la valeur. Un remontant, pourrait-on dire.
D’une manière ou d’une autre, cette habitude est restée avec moi tout au long de mon enfance et jusqu’à l’âge adulte, sauf que maintenant je « garde pour plus tard » d’autre sortes de choses. J’ai progressé. Parmi celles que j’ai « accumulées » : de bons livres ou émissions de télévision, des vacances, une transformation des cheveux, des cours de poterie, une visite à la maison et des jours de farniente (pour n’en nommer que quelques-unes). J’enregistre ces articles sur ma liste pour le moment où j’en aurais vraiment besoin – les jours vraiment difficiles. Naturellement, chaque élément de la liste avait une valeur émotionnelle différente, presque comme un coupon. L’objet que j’ai échangé devait correspondre à la mesure dont j’en avais besoin. Par exemple, quand j’ai eu le cœur brisé il y a des années, j’ai échangé mon coupon « transformation capillaire », comme toutes les adolescentes. Les livres et les émissions de télévision étaient de moindre valeur, pour les jours difficiles, mais les vacances, d’un autre côté, étaient probablement de la plus haute importance et économisées pour quand j’étais au plus bas.
Quoi qu’il en soit, la raison pour laquelle je parle en longueur de mon petit système est que je me suis retrouvée à utiliser tous les coupons que je pouvais cette année. Quand je dis que c’était une année difficile, je le pense vraiment. Je ne peux vraiment le décrire qu’en termes de cette métrique de coupons.
J’avais commencé un emploi tout nouveau en janvier 2020, pour me retrouver licenciée trois mois plus tard, comme des millions de personnes dans le monde. Le confinement, qui a démarré comme une aventure amusante et temporaire à la maison, est rapidement devenu un cauchemar solitaire. Pour aggraver les choses, j’étais séparée de ma famille et de mes amis proches par des fuseaux horaires, des milliers de kilomètres et une interdiction de voyager à l’étranger.
Les six mois suivants j’ai ressenti des montagnes russes d’émotions. Tout semblait nouveau et étranger, par contre chaque jour semblait pareil. C’était comme être dans le film Source Code de Jake Gyllenhaal, où il était coincé dans une boucle temporelle, sauf que « sauver la terre » était très différent pour nous. Il a dû désamorcer une bombe en sept minutes; moi j’ai dû porter un masque et rester à la maison. Au cours de cette période, j’ai échangé toutes mes émissions de télévision, mes livres et mes jours de farniente. Je suis même allée au point de teindre mes cheveux couleur bordeaux. (Oh, mon Dieu !).
Après avoir envoyé plus de 200 candidatures et n’ayant reçu de réponse que d’une poignée d’entre elles, j’ai touché le fond; mon amour-propre et ma santé mentale étaient au plus bas. J’étais désespérée, hagarde et j’avais le mal du pays. C’est alors que j’ai décidé d’utiliser le plus gros coupon de tous, celui que j’avais économisé depuis deux ans : retourner chez moi. Malgré le risque de ne pas pouvoir revenir au Canada, j’ai décidé d’être avec ma famille et de prendre le temps de me retrouver.
Le 1er avril marque pour moi une année de chômage. Bien que les choses ne soient pas beaucoup plus faciles, je les gère beaucoup mieux maintenant. Je suis reconnaissante pour toute la croissance et l’apprentissage, même si cela s’est fait au prix élevé de tous ces coupons. Ça valait la peine.
Nous sommes en avril maintenant, je regarde autour de moi et les cerisiers fleurissent à nouveau. Le printemps vient avec un espoir renouvelé. Ce qui est génial quand on touche le fond, c’est qu’il ne reste plus qu’un chemin à parcourir, vers le haut !