Le studio de production de Vancouver Dance Center programme fin mai une double représentation du collectif Twobigsteps par les danseuses et chorégraphes vancouvéroises Marissa Wong et Katie Cassady.
La Source s’est entretenue avec les deux jeunes femmes pour en savoir davantage sur ces deux créations artistiques qui témoignent de l’impact des expériences passées sur nos comportements présents et incarnent les dynamiques entre certaines de nos relations et notre évolution personnelle.
Le traumatisme, tout comme la danse, il en existe plusieurs formes. Et le syndrome de stress post-traumatique peut toucher tout un chacun. Aussi, les mécanismes d’introspection et de guérison prennent la forme de leurs victimes. Avec respectivement Departure et II, Marissa Wong et Katie Cassady ont voulu partager leurs démarches personnelles et ce qu’elles en ont retiré, pour non seulement susciter une réflexion sur ces maux, mais aussi avec l’espoir d’apporter un apaisement pour celles et ceux affectés, directement ou non.
Exprimer un vécu
Marissa Wong a subi une agression sexuelle en 2015 et le livre du psychiatre americain Bessel van der Kolk Le corps n’oublie rien (The Body Keeps the Score, 2014) lui a été recommandé pour l’aider dans cette épreuve.
« J’étais curieuse de comprendre comment cette expérience avait un impact sur ma danse ». Pourtant, à la lecture du livre et alors qu’elle commençait à chorégraphier Departure, elle a découvert que ce traumatisme n’avait pas eu autant d’incidence que l’ont eu son enfance ou son histoire ancestrale.
« J’ai compris que nos transformations n’épousent pas une ligne droite, mais plutôt une trajectoire entortillée, voire inversée. (La chorégraphie) s’est muée d’un narratif sur le traumatisme en un rendu de l’impact de nos vécus personnels sur nos comportements présents », éclaircit-t-elle.
Le titre, Departure, évoque de fait, ce « départ », cette mise à distance entre les habitudes, les comportements et les identités. Elle ajoute que cette nouvelle direction permet dorénavant à la prestation d’être plus accessible, ce qui est très important pour elle, tient-elle à souligner.
Katie Cassady s’est également inspirée de son expérience personnelle pour monter ce projet.
« J’ai été attirée par l’idée d’un duo entre deux personnes qui se comprennent mutuellement, en raison de l’intimité et de la complexité que j’ai connues dans ce type de relations lorsque j’étais adolescente. »
Elle précise que ce qu’elle a voulu mettre en lumière en particulier est la dynamique en constante évolution dans une période où son propre sentiment identitaire est encore malléable et en formation.
« J’étais très attirée par les émotions antagonistes comme l’admiration mutuelle et la compétitivité, ou le sentiment de se sentir à la fois faisant partie d’un groupe et s’en sentir exclu », dit-elle. « Je suis toujours stupéfaite par le fait que les relations peuvent contenir tant de reliefs, comment l’amour peut être si complexe ; j’étais intéressée à en faire le portrait ».
Matérialiser la mémoire
La mise en mouvement de Departure s’est faite dans un temps prolongé pour Marissa Wong, au cours de plusieurs résidences d’artistes au cours desquelles elle a bénéficié d’un « temps illimité pour réfléchir ».
« J’ai suivi le mouvement d’une démarche créative. Cela veut dire permettre au corps de s’exprimer sans jugement ou sans suivre une directive ni chercher une structure, » confie la créatrice.
La pandémie s’est néanmoins répercutée sur ce travail de recherche et a même contribué à de nouveaux traumatismes.
« J’ai arrêté le développement actif de la chorégraphie, le temps de gérer les émotions dues à la COVID », dit-elle.
Elle assure cependant que cette période a été bénéfique à son évolution artistique.
Katie Cassady avait, quant à elle, « une idée très précise de ce qu’ (elle) voulait créer. » Elle a pour ce faire utilisé un mélange de mouvements existants, de courtes improvisations ajoutées ici et là, et de propositions des deux danseuses qui seront sur scène : Sarah Wong et Sophie Mueller-Langer, à la différence de Marissa Wong, qui dansera elle-même son solo improvisé sur une structure chorégraphiée.
La pandémie a toutefois également eu une incidence sur l’idée initiale de Katie Cassady.
« J’avais prévu que les deux protagonistes se connaissent de longue date et soient très proches. Cependant, en raison des restrictions sanitaires et des deux mètres de distanciation physique, cela s’est révélé très difficile de montrer cette intimité sans que le toucher soit possible. Cela a entraîné un changement pour qu’elles se rencontrent pour la première fois », partage-t-elle.
Donner un sens à la souffrance
« Au cours de ce solo, j’espère réussir à ce que le public reconnaisse des réactions ou des habitudes, et identifient s’il y a de la place en eux pour un changement », explique Marissa Wong. L’histoire de Katie Cassady ajoute une seconde dimension à ce développement personnel grâce au soutien de l’autre.
« Je voulais raconter la relation entre deux femmes car ces relations sont d’importants réseaux de soutien et de bienveillance, un point que je voulais marquer, et une histoire interprétée par le mouvement. Je voulais la raconter pour établir une relation aux autres, et un sentiment d’expérience partagée », confie la danseuse.
Le titre se veut d’ailleurs une représentation visuelle de cette proximité : « II apparaît typographiquement comme deux personnes qui se tiennent côte à côte ou face à face », explique-t-elle.
Explorez les méandres de votre vécu et peut-être des pistes vers la guérison les 28 et 29 mai. Bande-annonce et billets pour Departure et II (en direct en ligne) sur le site www.thedancecentre.ca