Il s’agit d’un des projets les plus ambitieux lancés par RésoSanté Colombie-Britannique : l’application Speakbox axée sur la santé mentale des jeunes immigrants francophones dans la province et en Alberta arrive en fin de développement de sa première phase.
Cette initiative ayant été lancée il y a trois ans sous l’impulsion de Benjamin Stoll, le directeur de RésoSanté qui nous explique les tenants et aboutissants du projet nommé « La santé mentale, on s’en parle ! »
Un des rares projets francophones
Tout commence en 2018 lorsque l’Agence de santé publique du Canada se lance à la recherche de projets susceptibles d’aider à améliorer la santé mentale. « Nous avons eu la chance d’être retenus, c’est un des vingt projets au Canada qui s’occupent de la santé mentale. Nous avons choisi de cibler les jeunes immigrants entre 13 et 25 ans (…) qui sont parmi les moins outillés aujourd’hui pour ce qui est des [ressources sur la] santé mentale »
et de souligner que le fossé qui sépare la culture de leur pays d’origine et celle du Canada représente un obstacle parfois très difficile à franchir. Deux provinces participent à l’entreprise : la Colombie-Britannique et l’Alberta, mais c’est RésoSanté Colombie-Britannique qui pilote le navire.
Le projet est financé par l’Agence de la santé publique du Canada et soutenu par le Carrefour DEC, un organisme universitaire dont le but est d’améliorer la santé mentale des enfants et adolescents canadiens, et financé par le Fonds d’innovation pour la promotion de la santé mentale, une initiative du gouvernement fédéral.
Le projet vise à fournir une application gratuite qui procure des outils psychologiques et mentaux aux jeunes arrivants pour les aider dans leur intégration à la société canadienne.
Nicolas Noël, le gestionnaire du projet, développe: « Nous ciblons plusieurs profils assez variés : cela peut aussi bien être un jeune Français arrivant au Canada avec ses parents, que des jeunes Africains ou des Maghrébins qui débarquent » avant d’embrayer sur les facteurs de risques et de stress que peuvent rencontrer ces populations. « On a beaucoup de stress lié à l’école, mais aussi lié à la sphère familiale. Le choc de l’intégration, le choc des cultures, dans une certaine mesure le racisme et la discrimination »
Une gamme d’intervenants variée
Concrètement, l’application Speakbox propose des contenus adaptés aux conditions particulières de la province, développée par des professionnels de la santé mentale, mais aussi par des universitaires, des entraîneurs, des professionnels de la thérapie par les arts ou encore des enseignants. Les ressources francophones, en particulier dans la santé mentale, n’étant pas nombreuses dans la province, RésoSanté a également mobilisé l’aide des réseaux de la province voisine comme la Fédération des conseils scolaires francophones de l’Alberta et Réseau Santé Alberta pour produire la matière nécessaire au lancement du programme. Cette diversité de contenus permet de s’adapter aux besoins des individus par le biais des méditations guidées, des activités sportives, des articles, des vidéos, des quizz, des activités artistiques ou encore des conseils sur l’alimentation.
Benjamin Stoll insiste sur la spécificité linguistique du projet. « On a développé des ressources uniques en français. (…) La grande différence entre ce programme et d’autres qui sont souvent des adaptations [de projets anglophones] c’est que ce sont des experts francophones qui ont développé un contenu en français pour les jeunes », mais en soulignant également qu’une partie de la substance vient du partenariat développé et traduit de chez Foundry BC, un site anglophone qui vise à aider les jeunes sur différents aspects, de la vie scolaire à l’entrée dans le monde du travail en passant par l’intime, les drogues ou encore … la santé mentale.
Parmi les exemples que cite le directeur, il y a celui d’un jeune Congolais de 17 ans arrivé il y a un an. Le jeune homme était premier de sa classe au Congo, et l’arrivée au Canada a été rude. Ce n’était pas la même façon de vivre, ni la même façon de travailler. Néanmoins, les ressources de l’application, en particulier audio, lui ont permis de mieux percevoir son environnement et de comprendre les enjeux auxquels il faisait face. L’application est actuellement en test dans les écoles Jules Verne, Gabrielle-Roy et des Pionniers pour la Colombie-Britannique ainsi qu’à Edmonton pour l’Alberta.
Des jeunes écartelés entre deux mondes
Nicolas Noël renchérit : « Beaucoup de jeunes immigrants font la liaison entre leur pays d’origine et leur pays d’accueil. Ils expliquent à leurs familles ce que l’on attend d’eux à l’école, ou les différences culturelles que les parents, qui sont adultes, ne perçoivent pas forcément ». Il continue en expliquant : « Nous tentons de favoriser le dialogue sur la santé mentale, en essayant de briser les tabous qui existent autour du sujet (…) Nous nous appuyons sur de nombreuses études qui ont été réalisées sur le sujet, comme celle qui explique que la santé mentale des nouveaux arrivants a tendance à décroître à mesure que le temps passe une fois passée l’euphorie de l’arrivée, de la nouveauté et de l’installation. »
Le projet néanmoins n’offre pas de service de soutien psychologique direct. En cas de crise ou de problème, il fournit les numéros de téléphones ou les aides potentiellement disponibles, mais il n’est que l’outil permettant d’y accéder, en français, et non la solution. « Nous sommes dans la sensibilisation et la prévention » résume Benjamin
Stoll, « nous essayons d’aider à mieux comprendre l’intégration dans la société et à créer quelque chose de résilient ».
La pandémie a beaucoup affecté le déroulement du projet, cependant ce dernier entre dans sa seconde phase, qui est prévue pour durer quatre ans, au terme desquels il devrait être accessible à tous les jeunes nouveaux immigrants francophones mais il est toujours possible de se porter bénévole pour y participer en se rendant sur leur site.
Pour plus d’information sur l’application Speakbox, veuillez consulter: www.resosante.ca/nos-projets/smji