BLOT, le corps pour nous définir

S’il est des personnes inoculées par la composante « contamination » de la pandémie qui se transmet d’un aspect de nos vies à un autre, ce sont bien deux artistes, les deux danseuses de leur présente création, BLOT – body line of thought (Lignes de pensées corporelles en français). Celle-ci est inspirée par le microbiote humain et les mécanismes de réactions internes et externes du corps. Réactions biologiques qui selon elles nous définissent, et non notre société et ses idiomes.

Entretien avec la Vancouvéroise Vanessa Goodman et l’artiste d’origine polonaise Simona Deaconescu, les chorégraphes du spectacle, qui sera présenté lors de la 13e biennale Dance In Vancouver, organisée par le centre de danse Dance Centre et qui se tiendra du 24 au 28 novembre.

Le microbiote au coeur des échanges

Porteur de virus, possible porteur de virus, non-porteur de virus ; nos corps ont un microbiote unique qui en est venu à définir identités, échanges sociaux, et in extenso, les préoccupations mentales de tout un chacun dans le contexte de la pandémie de la COVID-19.

Partant de ce postulat, les deux femmes ont conçu une série de séquences explorant le mouvement en lien avec les micro-organismes du corps, « fort et fragile à la fois » comme elles l’indiquent. Elles expliquent être très intéressées par ce qu’elles qualifient de technologie biologique du corps, corps qui peut être altéré par son environnement, ce qu’elles trouvent être très pertinent à l’heure actuelle.

« Quand on touche une personne avec notre peau, les bactéries qui y sont à la surface entrent en contact. Cet échange est puissant à plusieurs niveaux. Cela peut être simplement un contact. Mais cela peut aussi altérer
notre système immunitaire si la personne en face est porteuse de quelque chose qui pourrait faire que notre système ne réagisse pas bien », exprime Vanessa Goodman. « C’était intéressant de tenir en compte les aspects plus profonds et intimes de nos corps, qui nous font nous sentir ou agir d’une certaine façon. L’idée que notre corps soit relié de façon invisible avec notre microbiome est au cœur de BLOT », ajoute Simona Deaconescu.

Faire danser son microbiote

En plus d’en être les deux seules danseuses, elles ont aussi donné de leur personne exposant leur microbiote à la vue de tous. Pendant un mois, elles ont cultivé leurs bactéries, qu’elles ont ensuite mises en culture dans une boîte de Pétri utilisée en chimie. Cette culture a généré une « chorégraphie imagée » qui est diffusée
sur trois télévisions faisant partie de la scénographie. « On a pensé nécessaire de considérer le corps comme un ensemble qui ne peut exister sans les micro-organismes qu’il contient. BLOT exprime ce concept selon lequel nous ne sommes pas un corps, mais plusieurs en un. Et il nous fallait voir ces multitudes, et les observer grandir et travailler ensemble », explique Vanessa Goodman. « Cette expérience a été l’un des points forts de la recherche pour BLOT, et l’on doit admettre que c’était à la fois amusant et surprenant », ajoute Simona Deaconescu. L’effet de surprise l’est également pour le spectateur, amplifié par une bande sonore électronique de Monocube, qui transporte dans un monde clairement intérieur, « une prolongation de leurs corps » selon elles.

Scénographie du spectacle BLOT. | Photo de Tangaj Dance

Tout mettre à nu

Comme indiqué par les organisateurs, « le spectacle analyse comment l’existence humaine est traduite par le langage au moyen de procédés de dépendance et de contrôle ». Les deux danseuses évoluent sur scène autour de mots écrits sur des pancartes, pour mettre en exergue qu’ils sont des créations de nos sociétés servant à nous définir, ce qu’elles cherchent à remettre en question. Pour elles, ce sont nos bactéries et leurs interactions qui nous définissent. Aussi, elles ont fait le choix de danser nues, parce qu’ « en fait, nos corps sont couverts de milliards de micro-organismes », déclare Simona Deaconescu . Pour Vanessa Goodman, elles sont ainsi sans « habillages sociétaux ».

Avec cette œuvre, elles souhaitent « encourager le public à repenser leur vision du corps humain, loin de ses significations sociétales, mais en tant que système intelligent qui nécessite que nous coexistions afin de vivre en équilibre avec notre habitat ».

Cela va dans le sens de ce que pense Vanessa Goodman sur la ligne directrice de cette édition : Pourquoi se réunir, pourquoi observer, pourquoi danser ? Elle répond : « Simplement parce que cela nous permet de ressentir, ce qui est une qualité essentielle si l’on veut vivre dans une communauté qui fonctionne avec compassion et attention ».

Initialement conçue pour être réalisée en personne au milieu des écrans diffusant les images de culture bactériologique, la chorégraphie sera elle aussi sur écran dans le cadre de la biennale en raison de la pandémie.

Spectacle gratuit du 24 au 28 novembre. Informations complètes sur le site www.thedancecentre.ca

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