Selon les récentes données du Recensement de la population de 2021, la population du Canada est plus que vieillissante, elle est déjà âgée. Les baby-boomers, qui représentent près du quart de la population canadienne, foncent droit vers la soixante-dizaine. Contrairement aux idées reçues, ça ne pose pas problème… À moins qu’on refuse de vieillir en sagesse.
Le recensement associe à la génération du baby-boom les personnes âgées de 56 à 75 ans et nées entre 1946 et 1965. Comptant plus de 9,2 millions de personnes, cette génération est la plus nombreuse au pays. Les baby-boomers forment aussi la cohorte la plus importante dans les grandes villes (24,7 pour cent) et à l’extérieur des centres urbains (29,7 pour cent).
Nos systèmes de santé, de soins à domicile et de services communautaires et sociaux sont-ils prêts pour l’arrivée en masse des baby-boomers âgés ? Non, ils ne le sont pas. Plutôt que céder à la panique devant les lacunes causées par notre immobilisme, pourquoi ne pas envisager cela comme une occasion de repenser le vieillissement au Canada ? Après tout, nous sommes toutes et tous en train de vieillir.
Nous pourrions transformer nos grands centres urbains et nos villes en collectivités amies des aînés, dotées d’infrastructures adaptées; faire la promotion du vieillissement chez soi; et aider les Canadiennes et Canadiens vieillissants à rester en contact avec leur communauté et à conserver leur qualité de vie.
Nous pourrions aussi profiter de la révolution technologique pour fourbir notre arsenal de solutions.
La pandémie nous a démontré que la technologie avait aussi beaucoup d’importance pour les personnes âgées. Les soins de santé et les programmes d’exercices virtuels constituent maintenant des options viables. L’utilisation des visioconférences a grimpé en flèche et d’autres technologies, comme les systèmes de détection de chutes et les objets personnels connectés, sont en voie de devenir de précieuses aides au vieillissement à domicile.
Vieillir en sagesse et en santé; cet objectif n’a pas encore été adéquatement exploré et financé par les décisionnaires et les politiques de ce pays. Pourtant, lorsqu’on sonde la population canadienne, comme l’on fait nos organisations récemment, c’est exactement ce qu’elle veut.
En effet, nos sondages révèlent que les Canadiennes et les Canadiens souhaitent rester à la maison le plus longtemps possible, veulent éviter le plus possible les séjours à l’hôpital et préfèrent recevoir des soins à domicile plutôt que dans un établissement de soins de longue durée. La plupart sont aussi prêts à payer de leur poche pour des technologies qui leur permettraient de vieillir à la maison. Enfin, les personnes âgées veulent demeurer des membres actifs et estimés de leur communauté. Au Canada, les personnes âgées peuvent contribuer grandement à la collectivité.
Il est temps que tous les paliers de gouvernement se mettent au diapason de notre population vieillissante et fassent preuve d’innovation en offrant à cette génération les soins de santé ainsi que les services sociaux et communautaires dont elle a besoin, maintenant et dans un avenir immédiat. Pour favoriser un vieillissement sain, il faudrait remplacer l’approche réactive actuelle par une approche proactive, qui procurerait de nombreux bénéfices additionnels à long terme.
Oui, le Canada a besoin d’investissements massifs en soins à domicile, communautaires et de longue durée, ainsi que de normes nationales pour les soins de longue durée. Cependant, nous devons aussi investir dans l’innovation en matière de services sociaux, de santé et de technologies afin d’aider les personnes âgées à maintenir une santé optimale le plus longtemps possible, ainsi que de soutenir la transformation sociale que cela suppose.
Pour ce faire, nous devons créer des milieux de travail adaptés aux personnes âgées afin d’encourager celles-ci à prolonger leur présence sur le marché du travail. Nous devons offrir plus de services de santé innovateurs, comme les soins virtuels et les applications de physiothérapie. Nous devons aussi favoriser l’utilisation de systèmes domotiques et de dispositifs de surveillance de la santé non intrusifs afin de faciliter la détection précoce des problèmes de santé et d’aider les gens à conserver leur autonomie.
Nous devons aussi très certainement inclure les personnes âgées dans les conseils consultatifs et les comités de planification afin qu’elles participent directement à l’élaboration des programmes et des services novateurs qui leur sont destinés.
L’adoption d’une telle approche avant-gardiste, réfléchie et globale, qui ne se contenterait pas d’offrir des soins de santé immédiats, pourrait contribuer à diminuer les séjours des personnes âgées dans les établissements de soins de courte durée et de longue durée, ainsi que leur permettre de mener une vie pleine et active au sein de la communauté le plus longtemps possible.
Il ne s’agit pas d’une utopie. Plusieurs grandes villes européennes appliquent déjà ce modèle pour répondre aux besoins de leur population vieillissante. Il est temps que le Canada fasse de même.
JOHN MUSCEDERE est chef de la direction du Réseau canadien des soins aux personnes fragilisées et professeur en médecine intensiviste à l’Université Queen’s.
Alex Mihailidis est chef de la direction du Réseau canadien axé sur les technologies de vieillissement AGE-WELL et titulaire de la chaire de recherche Barbara G. Stymiest en technologies de réadaptation à l’Université de Toronto et à l’institut de recherche KITE du Toronto Rehab-University Health Network. Les deux organisations travaillent en partenariat pour aider les personnes âgées à vieillir en santé.
Source : QUOI Media Group