Dernièrement, un ami à qui j’avais confié mon intérêt pour les jeux de mots, décida de me faire cadeau d’un livre : Les mots de ma vie de Bernard Pivot. Cette chronique est donc inspirée de cet ouvrage. Mais plutôt que de m’attarder sur les mots, j’ai choisi à la place, par esprit de contradiction, de me pencher sur les maux de ma vie. Et Dieu sait jusqu’à quel point je me suis donné du mal à compiler les quelques maux qui me gâchent la vie.
Pas question de parler des maux qui m’enquiquinent physiquement tel le mal de dent, de tête ou de mer. Non, ces maux sont des maux qui ne veulent rien dire. Vous avalez une aspirine ou autres médicaments du genre et l’affaire est réglée. Les maux dont il est question ici touchent ma santé mentale, mon moral, mon psychisme; des maux durs qui durent. Heureusement la liste n’est pas trop longue.
Le voyage que je compte entreprendre sous peu, parce qu’il me crée beaucoup de soucis, est symptomatique des maux que je ressens. Si les voyages forment la jeunesse, ils donnent en revanche beaucoup de rides à ma vieillesse. Maintenant, place aux maux.
Angoisse et anxiété : Source de tous mes maux, de tous mes soucis. D’être anxieux, cela m’angoisse. Entre les deux mon cœur balance et je ne peux choisir lequel me dérange le plus. Je me presse, je me stresse. Par exemple, l’idée de rater l’avion m’angoisse. J’en ai des sueurs froides. Mon cœur palpite plus qu’il ne faut. De revenir au Canada et de ne pas savoir remplir, avant mon retour, le formulaire d’ArriveCan me crée de l’anxiété au point de ne plus vouloir partir. Je n’ai pas l’intention de m’encombrer d’un ordinateur et, de surcroît, idiot comme je suis, je ne possède pas de téléphone intelligent. Je me demande comment je vais faire pour rentrer chez moi. ArriveCan de toute évidence n’a pas pensé à moi et à tous ceux qui se trouvent dans la même situation. Ah! Messieurs et mesdames les bureaucrates, si je réussis à rentrer sain et sauf je vous enverrai la note de mon psy une fois mes sessions de thérapie finies.
L’hypocondrie : Rien de bien nouveau à cela. Depuis des années j’en souffre. Pour une raison ou pour une autre cet état m’atteint quand je m’y attends le moins. Mon médecin connaît mon état, je lui en parle sans arrêt : « J’ai un bobo. Je ne fais plus dodo. Je me sens tout nono. J’en ai pour combien de temps, docteur? ». Elle a beau me rassurer, rien n’y fait. Je suis persuadé qu’avant d’entreprendre quoi que ce soit je vais tomber malade, que tous les microbes de la terre se sont ligués contre moi et veulent ma destruction. Ce qui m’amène à vous parler d’un autre de mes maux.
La paranoïa : Si l’avion est en retard ou si la file d’attente à l’aéroport est trop longue je suis persuadé, je peux déjà le voir dans leur regard, que les gens m’attribuent la responsabilité de cette déplorable situation. Déjà, très jeune à l’école, je me sentais visé lorsque l’instituteur au cours d’histoire nous demandait qui avait tué Henri IV. Rempli d’un sentiment de culpabilité je m’empressais de répondre que ce n’était pas moi.
L’agoraphobie : Vous ne me verrez jamais assister à un service religieux, encore moins à un événement sportif. J’ai horreur des messes et des masses. Tout rassemblement au-delà de deux personnes représente à mes yeux une foule. Rien d’étonnant donc que je ne reçoive jamais d’invitation à diner. Dans l’avion, ça promet. Je devrais me munir d’un parachute.
L’acrophobie : Heureusement, je suis petit. Un mètre soixante-dix pour tout vous dire. Deux centimètres de plus, cela me donnerait le vertige. Déjà en jetant un coup d’œil à mes pieds j’ai la tête qui tourne. Afin d’éviter tout accident à la maison, je ne possède ni escabeau ni marchepied. Je ne peux même pas marcher sur la pointe des pieds. À mon grand regret, de crainte de me faire traiter de déséquilibré, il m’est quasi impossible d’atteindre la hauteur de mes ambitions.
Malgré tous mes déboires qui heureusement ne m’amènent pas à boire, en peu de mots sachez que le mal de vivre n’est pas un de mes maux. J’ai d’autres phobies telles la clinophobie, la coulrophobie, la kathisophobie, mais ces phobies sont tellement mineures que je n’ai pas cru bon de m’étendre particulièrement sur elles.
Bien sûr, je vous ai conté tout cela en confidence. Ça reste entre nous. Je compte sur vous pour ne pas toucher un mot de mes maux.