Le Washi pour retracer les traumatismes et les joies de la communauté japonaise

Des motifs imprimés sur des camaïeux de bleu en papier, des œuvres explorant traditions et créations hybrides modernes. En faisant découvrir l’art du papier japonais, le Washi, au public du grand Vancouver, le musée national Nikkei souligne l’importance de cet art japonais et sa place particulière dans le récit des coutumes et expériences des Japonais au Canada.

Exposée jusqu’au 25 février 2023, WASHI, connecting cultures, countries, and generations fait dialoguer les oeuvres de Naoko Matsubara, artiste émérite membre de l’Académie royale des arts du Canada, et celles d’Alexa Hatanaka, utilisant son talent et sa créativité pour raconter l’héritage des Japonais du Canada.

Hommage

En imprimant des motifs de poissons, dont les maquereaux, le poisson préféré de sa grand-mère, sur des costumes en washi, Alexa Hatanaka rend hommage aux Japonais du Canada et en particulier à ses ancêtres. « C’était aussi une belle façon de représenter l’importance de la pêche pour mon grand-père, mon arrière-grand-père et la communauté japonaise canadienne en général », explique l’artiste avant d’ajouter : « La pêche était l’une des principales industries pour les [Canadiens d’origine Japonaise] en Colombie-Britannique, où la majorité de la communauté résidait avant l’internement. Mon arrière-grand-père était pêcheur et mon arrière-grand-mère travaillait dans une conserverie. » Ces motifs rappelant le quotidien de la communauté japonaise vivant sur la côte canadienne sont imprimés par l’artiste sur ses œuvres en washi, un art traditionnel pratiqué depuis plus de mille ans au Japon. En intégrant la vie quotidienne de ces pêcheurs dans son art, Alexa Hatanaka recréé un lien avec ses ancêtres pour être plus proches d’eux et de leurs récits, « même si je ne pourrai jamais connaître toute l’histoire », déplore l’artiste, consciente du fait que les aînés de la communauté préfèrent ne pas parler ouvertement de leur passé douloureux. Ces maquereaux imprimés sur le papier sont aussi une façon de célébrer l’héritage culturel. Ainsi l’artiste s’inspire, dans son travail, des traumatismes, tout en ciblant les moments de joies transmises de générations en générations.

Les combinaisons en washi sont plus résistantes qu’elles ne le paraissent et permettent aussi de créer une protection symbolique.

Protection

Dans ce même travail autour d’expériences partagées, Alexa Hatanaka a créé Hazmat Suit [unborn / reborn tsunami], une combinaison de protection Hazmat faite en washi. L’œuvre faisait au départ référence au séisme et tsunami du Tōhoku en 2011, mais l’artiste a très vite fait un lien avec le visuel de pandémie de la COVID-19 et les images de combinaisons de protection vues dans les médias. « J’ai réfléchi à la façon dont toutes les crises auxquelles nous faisons face sont en fait liées, et comment elles nous rappellent à quel point nous sommes tous reliés, que ce soit par les courants d’eau qui ramènent des objets du Japon à la côte de la Colombie-Britannique, ici au Canada, ou par les virus qui traversent les frontières, transportés et transmis par nos corps », raconte Alexa Hatanaka. « Dans tous les cas, la solidarité, le partage et le travail en commun sont essentiels », poursuit-elle. Le choix même du matériau pour créer la combinaison de protection semble paradoxal : une tenue de protection en papier pour se protéger des virus et des tsunamis. Mais le washi est bien plus résistant que son apparence laisse penser, et permet aussi de créer une protection symbolique.

Résistance insoupçonnée

En effet, même si ce matériau semble, au premier regard, fragile et délicat, il se révèle en fait très robuste et solide. La fibre à partir de laquelle le washi est fabriqué est très longue et battue à la main afin de conserver de bonnes longueurs lorsqu’elle devient de la pâte à papier. Les couches de pâte à papier sont ensuite comprimées pour créer des feuilles à la fois très minces et très solides.

La résistance insoupçonnée du washi en fait le support idéal pour célébrer la résilience des cultures et communautés qui évoluent et se mélangent tout en conservant et en respectant leur intégrité. Le washi étant un matériau durable, surtout en tant que pratique locale, ces œuvres de papier sont également une façon d’imaginer un avenir florissant pour les prochaines générations.

Dans ces œuvres de papier colorées présentées au musée national Nikkei se trouvent un dialogue entre les générations, une ode à la résilience des communautés, mais aussi la promesse d’un avenir heureux.

Pour plus d’informations, visiter : https://centre.nikkeiplace.org/exhibits/exhibits-washi