Par la philosophie, l’humanité se forge un esprit critique sur la société et l’amène à s’interroger sur les problèmes auxquels le monde est confronté. Ainsi, la philosophie confère les outils dont l’être humain a besoin pour développer une pensée indépendante et lutter contre toutes les sortes de racismes, d’intolérances, de fondamentalismes… et ça, l’UNESCO l’a bien compris. Mais alors, qu’est-ce que la Journée mondiale de la philosophie exactement ?
Chaque année, l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) met en avant le rôle que joue la philosophie au quotidien, et près de 70 pays participent à cette journée. Bien évidemment, un très grand nombre de philosophes et de personnalités d’horizons, de langues et de cultures différents se joignent à l’événement, qui, en 2022, se déroule le 17 novembre. Saviez-vous, par exemple, que sur le Vieux Continent, à Lausanne plus exactement, une nuit est organisée pour débattre sur une thématique bien précise ? Outre-Atlantique, côte Est, à Montréal, un événement de la même teneur est également planifié.
Côté Ouest, à Vancouver, c’est cet été que la philosophie a été célébrée avec la Vancouver Summer Philosophy Conference. Cependant, plusieurs professeurs en philosophie de UBC et SFU, interrogés à l’occasion du 17 novembre, ont leur mot à dire sur l’événement mondial. Pour Sylvia Berryman (Professor et Co-Director UBC Global Citizenship Term Abroad), si la philosophie est un sujet très vaste, elle appartient à tout le monde, pas simplement aux chercheurs ou universitaires. Plus qu’enthousiaste à l’idée d’une Journée mondiale de la philosophie, Mme Berryman espère simplement que les conversations qui en découleront se feront au-delà des cercles académiques. Nicolas Fillion (Associate Professor à SFU) complète ces dires en ajoutant que malgré le peu d’activités spécialement organisées pour l’occasion (à Vancouver), c’est un pas dans la bonne direction.
La philosophie en 2022 : évolution ou contre-courant ?
Si la fameuse citation de William Shakespeare, publiée dans Hamlet, qui interroge sur la réalité de l’existence peut venir tout de suite à l’esprit, d’autres noms d’auteurs remontent également quand on évoque la philosophie. Une frange importante de la société les aura en tête pour les avoir étudiés sur les bancs des écoles secondaires. Si les œuvres de Jean-Paul Sartre, Albert Camus, Simone De Beauvoir ou encore de Claude Lévi-Strauss ne sont pas sur leur table de chevet, elles ont, un jour ou l’autre, fait partie de leur bibliothèque. Mais est-ce que ces façons de penser ont évolué depuis ? Ici encore, Sylvia Berryman et Nicolas Fillion donnent leur avis.
Pour Mme Berryman, la philosophie dite « académique » a évolué vers une philosophie dite « interculturelle » au cours des dernières décennies. D’ailleurs, cette dernière pense que les discussions philosophiques dans la culture nord-américaine sont de plus en plus courantes. Par exemple, pendant la COVID, de nombreuses personnes ont été amenées à réfléchir sur leurs valeurs et les impacts de leurs choix personnels de manière assez profonde. Cela les a parfois amenées à apporter des changements, sur le long terme, dans leur vie quotidienne. Sylvia Berryman en conclut que « tout ce qui nous amène à nous poser de grandes questions peut nous ramener à la philosophie ».
De son côté, Nicolas Fillion est plus qu’optimiste : « Certains disent que la philosophie est en déclin, et peut-être même en péril. Moi, je ne suis pas alarmiste, bien au contraire ! » Il ajoute qu’à SFU, les professeurs veulent mettre l’accent sur ce que les étudiants souhaitent apprendre. Ainsi, en plus de leur « core curriculum », il existe des programmes divers et multidisciplinaires. Cela permet de démontrer que la philosophie ajoute une valeur concrète à l’éducation des étudiants suivant des cursus dans plusieurs disciplines, que cela soit dans les arts et humanités, dans les sciences sociales, ou dans les sciences naturelles. Enfin, plusieurs programmes (comme la Ethics Bowl) ont été créés avec des enseignants du secondaire afin que les étudiants puissent se forger une pensée critique avant d’être diplômés.
Alors, la philosophie en déclin et sans évolutions : un mythe ou une réalité ? On a ici la réponse !
La philosophie, n’est-ce vraiment que pour l’élite ?
L’UNESCO, avec la Journée mondiale de la philosophie, apporte déjà une première réponse à cette question mais Nicolas Fillion y donne également de très bons arguments : « La perception selon laquelle la philosophie se pratique davantage au sein de cercles plus petits en Amérique du Nord, si l’on compare avec l’Europe, n’est pas sans fondements. Par exemple, on voit rarement des philosophes à la télévision par ici ! Il est également vrai que les philosophes académiques européens prennent, peut-être, un peu plus au sérieux leurs devoirs d’intellectuels publics. Cela dit, je crois que la culture change et que la place de la philosophie s’accroît ; non pas tant dans les médias traditionnels, mais bien plus sur internet. Que ce soit sur Wikipédia ou la Stanford Encyclopedia of Philosophy ou même sur Youtube, un grand nombre de personnes produisent des contenus philosophiques de qualité, visionnés à grande échelle, et suscitant des discussions qui rappellent, à certains égards, la philosophie « publique » qu’on associe plus généralement aux populations européennes ».
Vous l’aurez compris, la philosophie évolue, reste enseignée et tant qu’il y aura des gens pour forger leur esprit critique, celle-ci a bel avenir. Une dernière question de la plus haute importance perdure cependant : célébrer la Journée mondiale de la philosophie ou celle du Beaujolais nouveau, telle est la question… car oui, les deux tombent le 17 novembre !
Pour plus d’information visitez: www.unesco.org/fr/days/philosophy