L’anxiété économique se fait fortement ressentir au Canada ces temps-ci. Il est très difficile pour les Canadiens ayant un revenu faible ou moyen d’améliorer leur situation financière en raison des défis persistants causés par la pandémie, l’augmentation du coût de la vie et la menace de récession. Alors que les inégalités dans la répartition de la richesse et que le coût de la vie sont à la hausse, nous avons besoin de politiques qui créeront de la richesse pour les travailleurs au Canada.
Afin de surmonter ces problèmes avec succès, le Canada a besoin de solutions à la fois audacieuses et pratiques. Avec les récentes annonces nous informant que le gouvernement du Canada envisage de modifier la Loi sur l’impôt du revenu et d’introduire des fiducies collectives des employés (EOT) au Canada, nous allons dans la bonne direction.
Les fiducies collectives des employés sont courantes aux États-Unis et au Royaume-Uni, mais elles ne sont pas encore présentes au Canada. Il est temps que ça change.
Actuellement, si une personne propriétaire d’une entreprise privée veut transférer son entreprise, trois options sont possibles : la transférer à un membre de sa famille, la vendre à un tiers ou la vendre à l’équipe de direction. Les fiducies collectives des employés constituent une quatrième option qui permet aux propriétaires de transférer leur entreprise aux employés par l’entremise d’une fiducie au sein de laquelle ces derniers pourront augmenter leur participation au fil du temps.
Cette dernière option offre un potentiel de transformation pour les propriétaires, pour les membres du personnel et pour le Canada, ce qui permettrait le maintien d’un plus grand nombre d’entreprises au Canada.
Un récent sondage effectué par la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante a révélé que 76 pour cent des propriétaires de petites entreprises au Canada prévoient vendre celles-ci dans la prochaine décennie. Cela représente la plus grande vague de vente d’entreprises de l’histoire du Canada et met à risque plusieurs emplois dans des communautés partout au pays.
Les fiducies collectives des employés offrent aux propriétaires d’entreprises qui prévoient prendre leur retraite une forme de sécurité, leur permettant de vendre leur entreprise à la juste valeur du marché tout en offrant des avantages à l’ensemble des membres du personnel, sans que ces derniers aient à débourser un sou.
Les données américaines démontrent que l’actionnariat salarié a contribué à réduire l’écart de richesse entre les races et les sexes, a augmenté la sécurité d’emploi et a diminué le roulement de personnel à tous les niveaux de revenu. Une étude du National Centre for Employee Ownership [Centre national pour l’actionnariat salarié] réalisée en 2017 a mis en lumière le fait que les minorités visibles qui font partie d’une entreprise appartenant aux membres du personnel touchaient un salaire de 30 % plus élevé que celui de leurs pairs. Les femmes employées-propriétaires gagnaient 17 % de plus.
Les entreprises appartenant aux membres du personnel sont moins sujettes aux mises à pied et aux faillites lors des périodes de ralentissement économique que les autres entreprises. Pendant la pandémie, les entreprises américaines n’appartenant pas aux membres du personnel ont dû faire face à six fois plus de pertes d’emplois et de réductions d’effectifs que celles appartenant aux membres du personnel.
Le Canada ne peut pas se permettre de manquer les occasions qu’offre ce modèle.
Pour encourager leur adoption, des chefs d’entreprise et d’autres leaders de partout au pays ont lancé la Canadian Employee Ownership Coalition [Coalition canadienne de l’actionnariat salarié] (CEOC). Celle-ci a pour but de travailler avec le gouvernement et tous les partis politiques pour s’assurer non seulement qu’ils comprennent bien l’urgence de créer des fiducies collectives des employés, mais également qu’ils les conçoivent de telle manière que leur succès soit assuré.
La CEOC demande au gouvernement fédéral de rendre possible la mise sur pied de fiducies collectives des employés dans son budget 2023 et d’introduire une législation s’inspirant des leçons apprises pour mettre sur pied des solutions pensées pour le Canada, avec ces étapes fondamentales :
• Les fiducies collectives des employés nécessitent une structure claire, écrite dans la Loi sur l’impôt du revenu du Canada, avec des règles et des lignes directrices faciles à comprendre. Les fiducies collectives des employés ont connu un succès aux États-Unis parce qu’elles étaient gouvernées par des règles claires et sans ambiguïté. La proposition du comité permettrait aux membres du personnel d’accumuler des actions avec le temps, sans frais.
• Instaurer des incitatifs fiscaux. Les règlements canadiens relatifs aux règles fiscales font en sorte qu’il est difficile pour les entreprises de devenir la propriété des membres du personnel. Des incitatifs fiscaux pourraient encourager les propriétaires à vendre leur entreprise à une fiducie collective des employés, ce qui assurerait des conditions permettant aux membres du personnel de demeurer propriétaires de l’entreprise.
• Exiger une surveillance externe pour protéger les employés-propriétaires et l’intérêt public. Par exemple, il pourrait y avoir des règles pour déterminer qui peut prendre part à une fiducie collective des employés. Ces règles exigeraient que la valeur de l’entreprise soit déterminée d’une façon juste et indépendante bien avant qu’elle soit vendue.
Les fiducies collectives des employés offrent d’importantes occasions pour créer une économie plus résiliente et inclusive. Nous devons aller de l’avant dès maintenant avec un concept bien pensé qui permettra aux propriétaires d’entreprises et aux membres du personnel de progresser, et au Canada de profiter des avantages qu’offre l’actionnariat salarié.
Christine Cooper est vice-présidente à la direction et cheffe de BMO Entreprise au Canada. Elle est également membre du comité de direction de la Canadian Employee Ownership Coalition (CEOC).
Source : quoimedia.com