Printemps 2030. Vancouver est une ville fourmillant de vélos, de piétons et d’oiseaux. Qui fourmille, mais aussi qui bourdonne. Mais quels sont ces bruits que l’on entend ? Exclamations. Murmures. Brouhaha… C’est le son du débat.
La période des élections approche, et une nouvelle génération de jeunes citoyens va voter pour la première fois. Elle a passé toute son adolescence à cogiter sur l’état dégradé du monde, et elle entend bien influencer la campagne.
En 2023, c’est avec amusement que l’on avait jugé ces jeunes de treize ou quatorze ans lorsqu’ils affirmaient pouvoir « sauver le monde ». Ce qu’il fallait alors comprendre de cette génération, c’est qu’elle a grandi différemment de ses aînés. Ces jeunes-là, ils savent. Ils ont intégré que notre Terre va mal. « C’est comme un navire au milieu de l’océan », disent-ils. « On navigue dans l’espace grâce à notre vaisseau Terre, mais ce vaisseau prend l’eau ! Si le commandement n’en tire aucune conséquence et que l’équipage ne s’inquiète pas non plus, alors ces gens sont complètement ivres ou complètement idiots », concluait l’un d’eux.
En cette période décisive pour l’avenir à Vancouver, la jeunesse s’organise pour s’assurer que le commandement ne tombe pas dans les mauvaises mains. Elle convoque des réunions publiques, allie les meilleures connaissances avec les meilleures volontés disponibles. Elle discute, partage, invente et s’exprime. Leur pouvoir de collaboration ne cesse de surprendre et la voix des jeunes incarne aujourd’hui une voie à suivre. Ces jeunes sont déterminés et certains comptent même se faire élire.
Les jeunes demandent du partage et du respect
Les demandes sont variées, mais à bien les écouter, elles ont en commun ceci : d’abord le respect et la protection de tous les êtres vivants, ensuite la solidarité et la justice sociale, et enfin l’habitabilité de la planète pour des siècles à venir. Pour les jeunes, il y a un principe ancien qui doit guider toutes les décisions : celui des Sept Générations. « Dorénavant, chaque décision qui sera prise par la municipalité de Vancouver devra se justifier d’un impact positif sur les sept prochaines générations de citoyens », peut-on lire dans les comptes rendus d’assemblée citoyenne jeune.
Lors des débats, deux sujets sont particulièrement prégnants. Il s’agit de l’eau bien sûr. Elle est venue à manquer ces dernières années, au point de donner des sueurs froides même aux plus insouciants. Mais aussi de la nature sauvage et du sort des animaux.
La jeunesse ne supporte plus que l’on considère la vie animale comme inférieure à la vie humaine.
Ce qui était radical il y a encore dix ans, est devenu évident
En discutant avec ces jeunes, on découvre leurs plans pour alimenter les villes en énergies renouvelables, verdir toujours davantage le centre-ville et économiser l’eau par tous les moyens.
Mais cette génération compte aussi dans ses rangs des personnes qui ont lutté contre les projets fossiles. Leurs conclusions sont claires « le pétrole, le gaz et le charbon n’ont jamais été des investissements, ils n’ont été que des paris de certains contre le reste de l’humanité ». Dans la droite ligne de ces constats « la ville durable doit nommer ses interdits », nous explique un jeune candidat à l’élection. « Nous voulons interdire les voitures en centre-ville, mais aussi certaines usines qui ne sont pas vraiment utiles », poursuit-il. Pour parvenir à faire entrer dans la loi des choix aussi radicaux, ils discutent en petits comités stratégiques qu’ils appellent « lobby » de comment faire plier les plus solides politiciens du pays.
En dehors de ces cercles de jeunes, chacun admire cette génération, intelligente, courageuse et déterminée. Et elle n’en veut même pas aux générations d’avant qui, il faut bien le dire, sont responsables d’avoir creusé la dette écologique. Ces jeunes ne veulent plus de conflits, ils veulent construire ensemble, et que leur sagesse percole. Ils veulent sauver la planète et créer le monde idéal. Et il se pourrait bien qu’ils en soient capables.
Cette Chronique est inspirée des bandes-dessinées reçues par EcoNova dans le cadre de son concours de BD « Le futur se dessine » ouvert au printemps 2023. À la lecture de ces BD, nous avons été touchés par l’espoir, l’énergie et le pragmatisme de ces jeunes auteurs. Les œuvres originales seront prochainement exposées au Pacific Arts Market Gallery, du 4 juin au 18 juin, puis au Centre culturel francophone à la rentrée de septembre.
Aloïs Gallet est juriste, économiste, co-fondateur d’EcoNova Education et conseiller des Français de l’étranger
Elsa Morin est cheffe de projet concours de BD écologiques, éducatrice chez EcoNova Education.