Les conséquences de la guerre sur les femmes handicapées après le conflit dans le nord de l’Ouganda

En mai 2023, Liliane Umuhoza, étudiante en maîtrise de politique publique et d’affaires mondiales, et la professeure associée à l’École de politique publique et d’affaires mondiales de l’Université de Colombie-Britannique, Erin Baines, ont rejoint une équipe de recherche ougandaise dirigée par Dorcus Atyeno, défenseure des droits humains, ainsi qu’Alice Lakwech et Fatuma Abiya, étudiantes en droit, afin de mener des recherches sur l’impact de la guerre sur les femmes handicapées dans le nord de l’Ouganda.

Suite à des formations en éthique et de consentement, de méthodes qualitatives et d’approches communautaires et artistiques de la recherche, les étudiantes ont débuté leurs recherches en menant 30 entretiens avec des femmes handicapées suite à la guerre : les mines terrestres, les déplacements et le manque d’accès aux soins médicaux pendant la guerre de plus de deux décennies qui a ravagé le nord de l’Ouganda.

Malgré le temps passé depuis la fin de la violence dans la région, les femmes interrogées ont declaré qu’elles continuent à faire face à de nombreux défis : la discrimination, la pauvreté et le manque d’accès aux services publics. Tout cela, alors que plusieurs d’entre elles se battent pour élever leurs enfants seules, tout en allant à l’école et en gérant de petites entreprises.

Florence peint sa carte corporelle pour illustrer les effets de la guerre dans sa vie. | Photo par Erin Baines

Garder le sourire grâce à l’art

Lors d’un atelier d’une journée au centre Through Arts Keep Smiling (TAKs), cinq femmes ont dessiné des « cartes corporelles », une méthode de recherche artistique, dans le but d’explorer les effets de la guerre dans chacune de leurs vies, y compris leurs moments les plus douloureux et les plus heureux, les communautés dont elles font partie et celles dont elles sont exclues, et les messages qu’elles souhaiteraient partager.

« Les femmes handicapées peuvent tout faire », a déclaré Irene, commerçante respectée sur le marché central de Gulu, et joueuse de basket-ball dans une équipe primée de femmes handicapées.

Florence a quitté la maison alors qu’elle était jeune fille pour protéger sa famille fuyant la guerre dans l’est du pays et s’inquiétait que son handicap ne les ralentisse alors qu’ils essayaient d’éviter d’être pris entre deux feux. « J’aime décrire ma personnalité comme un jardin qui fleurit et continue de grandir quel que soit l’environnement, nourrissant tout ce qui l’entoure. »

En tant que journaliste, artiste et interprète, Flavia, l’une des participantes à l’atelier, a souligné l’importance pour les femmes handicapées de remettre en question les pratiques discriminatoires qui les excluent « Nous sommes capables de tant de choses. Je peux danser. Je peux faire de l’art. J’ai des amis. Je mène une vie normale, comme tout le monde. J’ai simplement des capacités différentes ».

Continuant à vivre avec des handicaps douloureux mais invisibles liés à son enlèvement et à son mariage forcé au sein du groupe armé Lord’s Resistance Army, Santa trouve la force et la paix au sein du groupe de soutien par les pairs Women’s Advocacy Network, un collectif de femmes touchées par la guerre qui cherchent la réintégration, la réconciliation et la justice et qui se sont associées à UBC dans le cadre de la recherche.

« Je n’oublierai jamais cette expérience », affirme Santa, qui a trouvé un nouveau mode d’expression dans la peinture et la toile.

Mama Cave, une femme d’affaires ougandaise, réfléchit à ce que la paix signifie pour elle : « Je me sens en sécurité lorsque je suis en mesure de satisfaire mes besoins fondamentaux tels que le logement et les soins médicaux », soulignant l’importance des droits socio-économiques.

À la fin de l’atelier de cartes corporelles, les femmes ont demandé des fournitures artistiques pour continuer à pratiquer leur art.

Comprendre l’impact des conflits à travers le monde

L’étude fait partie d’un partenariat entre le Conseil de recherches en sciences sociales du Canada, dirigée par Deborah Stienstra (Université de Guelph) et Engendering Disability Inclusive Development (EDID), soutenu par des équipes de recherche basées au Canada, en Haïti, en Afrique du Sud et au Vietnam. Le projet a également été soutenu par le Réseau canadien de recherche sur les femmes, la paix et la sécurité (RN-WPS), co-dirigé par les professeurs Erin Baines (UBC), Jennifer Welsh (Université McGill) et Yolande Bouka (Université Queen’s) et financé par la subvention du réseau de recherche MINDS-Canada (Mobilizing Insights in Defence and Security) du ministère de la défense nationale du Canada.

L’étude ougandaise offre une nouvelle perspective au partenariat EDID et au RN-WPS sur les impacts des environnements de conflit et d’après-conflit sur les femmes handicapées. L’étude permettra d’élaborer des recommandations politiques à diffuser auprès des parlementaires et des ONG ougandaises dirigées par les participants à l’étude, d’informer les résultats de la recherche EDID et d’alimenter les débats politiques sur l’avenir de l’agenda des Nations unies pour les femmes, la paix et la sécurité.

Erin Baines, professeure associée à l’École de politique publique et d’affaires mondiales de l’Université de Colombie-Britannique (UBC)

Cet article a été traduit en français par Luc Mvono, rédacteur en chef adjoint du journal La Source, à partir d’un blogue en anglais sur le site l’École de politique publique et d’affaires mondiales de l’Université de la Colombie-Britannique (UBC). Veuillez trouver la version originale à : https://sppga.ubc.ca/news/like-a-garden-that-flourishes-art-and-post-conflict-healing