De la droite à l’extrême

Au Canada (à ne pas confondre avec notre hymne : Oh! Canada) il est possible à quelques exceptions près (l’île de Montréal me vient en tête) de tourner à droite au feu rouge. Cela peut faciliter la circulation à la grande satisfaction des automobilistes pressés et mécontents de se voir imposer certaines restrictions pouvant porter atteinte à leur liberté individuelle. Mais un tel droit, celui de virer à droite, n’est pas sans danger. Un accident peut vite survenir à tout moment. J’ose prétendre qu’il en est de même en politique. L’analogie est quelque peu tirée par les cheveux et a peu de chance de tenir la route mais le cheminement mental, à mes yeux, en vaut la peine.

Avant de m’engager dans une diatribe sans issue apparente, je dois reconnaître que seule ma crédibilité en cet instant se trouve engagée. Ce qui, à vrai dire, ne me préoccupe pas pour autant.

Mais revenons à mon point qui n’est pas rond mais plutôt à l’intersection d’un courant d’évènements qui menace les démocraties pour le peu qu’il reste de ces dernières. Après la Seconde Guerre mondiale nous avons assisté dans une certaine mesure à un renouveau, à une éclosion de l’esprit démocratique, à la décolonisation et l’indépendance de nations aux bonnes intentions lesquelles, malheureusement, n’ont pas toujours été respectées. Mais, au moins, l’esprit était là. La démocratie, j’ose l’avancer, avait dans l’ensemble bonne presse. Mais, depuis plusieurs années déjà, cette séduisante forme de gouvernement connaît des soubresauts. Les régimes autocratiques qui se sont installés durablement un peu partout dans un grand nombre de contrées sur presque tous les continents, lui rendent la vie dure.

Javier Milei, président de l’Argentine. | Photo de Vox Espana

L’élection récente de l’ultralibéral Javier Milei, candidat de l’extrême droite à la présidence de l’Argentine n’a fait qu’accentuer la profonde crainte que j’éprouve en observant l’érosion systématique des principes démocratiques de par le monde. Cet « anarcho-capitaliste » comme il aime se définir ne cache pas l’admiration qu’il éprouve envers des personnages aussi abjects et étranges que Donald Trump et Bolsonaro. Deux individus, refoulés par l’électorat de leur pays respectif mais qui, c’est triste à dire, pourraient se retrouver de nouveau au pouvoir si la tendance vers l’extrême-droite se poursuit comme semble l’indiquer l’élection de Javier Milei. Avec l’arrivée de ce nouveau venu au sein de la confrérie des parias de la société je m’aperçois avec effroi de la présence d’un énorme embouteillage au carrefour des régimes anti-démocratiques où la priorité n’est pas respectée. Les États possédant un semblant d’éthique morale et de préoccupation de justice sociale disparaissent à vue d’œil. Ils étaient peu. Les voilà moins nombreux.

Depuis la présidence de Trump aux États-Unis nous avons perdu nos repères. L’heure de vérité a fait place à la désinformation et à un vent de populisme dont les dictateurs et despotes raffolent car cela leur permet d’assouvir leurs bas instincts de conquête et de domination. Nous sommes maintenant installés dans une ère où la vérité est un bien vilain mot. Un mot que ces gueux de la politique mensongère s’apprêteront dans un jour pas trop lointain à bannir de notre vocabulaire si ce n’est déjà fait dans l’esprit de leurs disciples.

La gauche maladroite, regrettablement, semble être incapable d’endiguer ce virage à droite. La Chine, la Russie, la Corée du Nord, l’Iran, ces régimes totalitaires où toute opposition doit se taire où toute contestation est âprement réprimée, ont, au fil des ans, fait des petits. L’Italie, Israël, la Hongrie, la Turquie, l’Argentine donc et, oh! surprise, la Hollande, la toute nouvelle recrue, ont décidé de rejoindre les rangs de ces États autocratiques. La France, Marine Le Pen en tête, sous peu pourrait leur emboîter le pas. Le Canada, qui sait, avec un Pierre Poilievre ayant le vent en poupe, risque de se retrouver en aussi mauvaise compagnie lors des prochaines élections fédérales. Nous ne sommes pas à l’abri d’un semblable destin. Nous ne sommes pas immunisés contre cette maladie qui ressemble de plus en plus à une pandémie bien plus dangereuse que la COVID-19.

À l’heure actuelle, contre cette montée des tendances fascisantes, aucun vaccin, aucun remède ne semble pointer son nez à l’horizon. Situation plus qu’inquiétante. Mais que faire ? C’est la question que je me pose alors que j’attends tranquillement le passage du rouge au vert au feu de circulation afin de filer tout droit devant moi n’ayant aucunement l’intention de tourner à droite quoiqu’il arrive : la route y est paraît-il extrêmement dangereuse. Selon quelques sages bien informés elle mènerait tout droit en enfer.