Il est temps de transformer la culture du don de bienfaisance

Nous amorçons une nouvelle ère – qui se fait attendre depuis longtemps – dans le secteur des dons de bienfaisance.

De nombreux grands donateurs et donatrices à des organismes de bienfaisance canadiens et internationaux se détournent des modes de don traditionnels, comme le financement de grands organismes qui interviennent à distance auprès de groupes marginalisés ou la restriction des modalités d’utilisation des fonds. L’objectif est de donner aux communautés un contrôle plus direct sur leur avenir. Cette tendance s’inscrit dans un vaste mouvement de « décolonisation » de la philanthropie qu’appuient publiquement de nombreux donateurs et donatrices canadiens comme, notamment, la Fondation McConnell et la Fondation Inspirit.

Lisa Wolverton, présidente de The Philanthropy Workshop Canada. | Photo de QUOI Media

Les philanthropes privés ne sont pas les seuls à suivre ce courant. Le gouvernement canadien a octroyé récemment 200 millions de dollars au Fonds pour les communautés noires pour l’administration du Fonds de dotation philanthropique dirigé par les Noirs, dédié au soutien des organismes sans but lucratif dirigés par des Noirs, axés sur les Noirs et axés sur les services aux Noirs.

Il est temps qu’un plus grand nombre de donateurs et de donatrices donnent directement aux leaders locaux, afin que ces personnes puissent exercer un pouvoir de décision crucial. À cette fin, il faut oublier certaines restrictions et exigences et permettre aux leaders locaux de gérer et de distribuer les fonds comme bon leur semble.

Ce type de démarche audacieuse exige que les donateurs et les donatrices croient que l’argent a un réel pouvoir s’il s’accompagne de confiance et d’autonomie – une conviction qui a le potentiel de changer des vies et de transformer notre culture du don.

Cette nouvelle ère de la philanthropie ne se limite pas aux modes de don, mais aussi aux bénéficiaires.

Certains donateurs et donatrices versent de généreux dons à des groupes qui ont toujours eu très peu d’autonomie en matière de ressources. Nous voyons par exemple de grandes fondations, comme la Fondation McConnell, transférer des sommes record à des fondations dirigées par des autochtones. D’autres investissent dans des fonds collaboratifs tels que le Freedom Fund, le Fonds Égalité Canada ou Co-Impact, qui s’attaquent à des problèmes comme l’injustice entre les sexes ou la traite des êtres humains en finançant des groupes locaux.

Les donateurs et les donatrices ne se contentent pas de parler de « transfert de pouvoir », ils créent activement de nouvelles structures, de nouveaux processus et de nouvelles attentes en matière de don afin de renforcer la confiance et de réduire le déséquilibre des pouvoirs inhérent à la philanthropie. Ils réexaminent leur rôle dans les efforts déployés pour réaliser des changements sociaux tangibles et nouent des relations sensiblement différentes avec les organisations qu’ils financent pour former des partenariats mutuellement enrichissants fondés sur la confiance, l’honnêteté et la prise de décision partagée.

Ce n’est pas seulement ce qu’il y a de mieux à faire d’un point de vue théorique. De tout temps, les tentatives de résoudre les problèmes sociétaux sur un mode dictatorial, sans impliquer directement les communautés concernées, se sont révélées inefficaces, non durables et même néfastes. Nous savons que la philanthropie – et, en fait, toute tentative de changement social – donne de meilleurs résultats lorsqu’on comprend que les personnes touchées sont les mieux placées pour concevoir et mettre en œuvre des solutions. Souvent, ce dont elles ont le plus besoin, ce sont des ressources, financières et autres, le soutien de personnes au pouvoir, ainsi que la liberté d’action et l’espace pour le faire.

Parfois, de petits changements dans l’état d’esprit et le comportement des donateurs et des donatrices peuvent changer beaucoup de choses.

The Freedom Fund propose un modèle positif. Après une décennie de partenariat avec plus de 100 organisations communautaires pour lutter contre l’esclavage moderne, Freedom Fund a lancé une ressource en ligne essentielle pour encourager d’autres organismes de financement à soutenir des groupes de première ligne. Du partage des principes clés et défis liés à l’octroi de subventions aux groupes de première ligne à l’offre d’un large éventail d’études de cas, de modèles et d’outils, Funding Frontline Impact contient le type de conseils transparents et concrets dont de nombreux donateurs et organisations caritatives pourraient s’inspirer.

Une chose est sûre : la philanthropie ne peut pas continuer comme avant.

Des gouvernements aux fondations en passant par les particuliers, nous avons tous la possibilité d’assurer que notre argent donne aux communautés le pouvoir de définir leur avenir et d’encourager les autres à faire de même.

Lisa Wolverton est présidente de The Philanthropy Workshop Canada