L’année 2024 sera une année charnière pour près de 200 000 Taïwanais qui ont la citoyenneté canadienne. D’ailleurs, la plus importante communauté taïwanaise au Canada réside dans la grande région de Vancouver, et ensuite, à Toronto. Il y a aussi la présence de 65000 Taïwanais, détenteurs d’un passeport canadien, qui vivent à Taïwan. Les résultats de l’élection présidentielle à Taïwan, prévue le 13 janvier prochain, pourrait avoir un impact important sur la communauté taïwanaise à Vancouver et au pays, sans mentionner les relations déjà tendues entre le Canada et la Chine.
Marc Béliveau
IJL – Réseau.Presse – Journal La Source
Plusieurs Taïwanais vivant en Colombie-Britannique auront profité du 30 décembre 2023 et du 1er janvier 2024 pour suivre de leur poste de télé ou de leur ordinateur, le débat en direct des leaders des trois partis politiques de Taïwan, en marge de cette élection présidentielle. Pour rappel, soulignons que le Nouvel An chinois aura lieu le 10 février 2024, et ce sera l’Année du Dragon.
La communauté taïwanaise en C.-B. suit de près la tenue des prochaines élections, « au point où plusieurs Taiwanais ont fait coïncider leur prochaine visite à Taïwan afin de pouvoir aller voter », souligne Charlie Wu, directeur général de l’organisme Asian-Canadian Special EventsAssociation (ACSEA). Il trouve regrettable que les liens entre Taïwan et la Chine occupent toute la place, négligeant le débat d’enjeux économiques, sociaux et écologiques tout aussi importants pour la population taïwanaise.
« Sur le plan géopolitique, la situation à Taïwan a bien changé au cours des dernières années, dit-il, le gouvernement taïwanais actuel étant plus près des États-Unis, et sans doute du Canada ». Il déplore que « le conflit entre l’Ukraine et la Russie, à la lumière de l’attitude belliqueuse de Pékin vis-à-vis de l’Inde et des Philippines, suscite bien des appréhensions, notamment auprès de plusieurs étudiants taïwanais au Canada ».
Une élection pas comme les autres
Une réalité que les Taïwanais reconnaissent ouvertement, c’est que les prochaines élections pourraient s’avérer déterminantes pour l’avenir de Taïwan. Toutefois, en fonction du résultat des élections présidentielles à Taïwan, ce scrutin pourrait être interprété comme un acte de provocation contre le régime de la Chine communiste. Ce disant l’héritier de Mao, Xi Jinping souhaite le retour de Taïwan dans le giron chinois. En 2021, il en a pris l’engagement lors du 100è anniversaire de la création du Parti communiste chinois de Mao en 1921.
Au cours des cinq dernières élections présidentielles, les leaders des deux principales factions politiques se sont affrontés directement pour obtenir la majorité des votes, soit le Kuomintang (KMT), un régime fort qui a favorisé l’émergence de la démocratie dans les années 1990, et le Parti Progressif Démocratique (DPP), qui est au pouvoir actuellement.
Pour le scrutin de cette année, ce qui est différent, c’est la présence de trois partis politiques, soit le KMT, le DPP et un nouveau parti, le TPP – le parti du Peuple taïwanais, dirigé par un leader charismatique. Les plus récents sondages indiquent que le KMT aurait 35% des intentions de vote, le DPP en aurait 32% et le TPP 20%. En d’autres mots, le nouveau parti politique a pris des appuis provenant des deux partis traditionnels. Les spécialistes expliquent ce glissement du vote du DPP du fait qu’il dirige Taïwan depuis les huit dernières années.
Là où la situation se complique, c’est que le DPP est le parti pro-indépendance. Toutefois, sa popularité n’a jamais atteint plus de 50 % dans les derniers sondages. Et quant aux deux autres partis, ils ont tenté de se rapprocher en novembre dernier, sans y arriver. Le KMT favorise la réunification avec la Chine, mais avec un bémol. La situation à Hong Kong, sous la gouverne de Pékin, inquiète une partie de l’électorat taiwanais. Le TPP est favorable à un plus grand dialogue avec Pékin, mais désire aussi hausser le budget militaire.
Taïwan : tiraillé entre la Chine et les États-Unis
Le KMT dénonce la position de son rival, le DPP, suggérant qu’il s’agit de choisir entre la paix et la guerre. Pour sa part, le DPP estime que la position de la Chine communiste envers Taiwan est dangereuse, de là son rapprochement avec les États-Unis. Et le TPP, populaire auprès de l’électorat plus jeune, préfère un débat sur des enjeux locaux. C’est-à-dire comment maintenir un certain niveau de vie malgré les ressources nécessaires pour soutenir une population vieillissante, ou encore, quelle est la meilleure source d’énergie à favoriser et comment éviter une conscription partielle de la population si les tensions avec la Chine s’élevaient d’un cran.
En un mot, la population taïwanaise devra choisir entre un parti, le DPP, qui préconise un degré d’indépendance plus élevé envers la Chine, du coup, des liens plus étroits avec les États-Unis, contre le KMT et le TPP qui souhaitent soit la réunification ou un dialogue constructif avec la Chine et éviter ultimement, toute confrontation avec le régime communiste. N’empêche que le climat de tension et d’intimidation qui règne en cette période électorale à Taïwan est bien réel. Et le contexte actuel n’a rien de rassurant pour les Taïwanais de Vancouver, et ailleurs au pays, très préoccupés par les défis à venir pour gouverner Taïwan.