Avec la volonté du gouvernement fédéral de soutenir la pérennité de la francophonie au Canada et d’augmenter ses quotas d’immigration, les offres d’emploi bilingues sont en hausse en Colombie-Britannique. Pourtant l’intégration sur le marché du travail n’est pas si simple.
Suzanne Leenhardt – IJL – Réseau.Presse – Journal La Source
Au début du mois de janvier, le Relais francophone de Colombie-Britannique, un organisme à but non lucratif d’aide à l’établissement et à l’intégration des nouveaux arrivants, publiait sept offres d’emplois bilingues dans son infolettre, parmi lesquelles: greffier au tribunal, professeur, coordonnateur des communications à l’université, traducteur dans une entreprise ou encore conseiller bancaire… les annonces couvrent des secteurs variés. “En faisant une simple recherche sur LinkedIn, on constate que le champ des postes bilingues s’est élargi. Avant c’étaient majoritairement des préposés à la clientèle”, mentionne Vincent Catherine, spécialiste en transition à l’emploi à la Société de développement économique de la Colombie-Britannique (SDECB).
Depuis plusieurs années, Ottawa met l’accent dans son discours sur la volonté de favoriser une plus grande présence francophone au pays. Le 16 janvier dernier, le ministre de l’Immigration, Marc Miller, a annoncé des mesures en ce sens. D’après un article du journal Le Devoir, elles consistent en un nouveau programme d’appui à l’immigration francophone, des efforts dans le recrutement des enseignants et le renforcement des subventions aux communautés accueillantes. Ce programme vise 6% d’immigration francophone en 2024, 7% en 2025 et 8% en 2026.
De son côté, la Colombie-Britannique s’est également dotée, début janvier, d’une nouvelle politique pour ses services en français. Dernière au pays à ne pas l’avoir fait, elle souhaite que les francophones soient intégrés “dans la collectivité, leur milieu de travail et leur gouvernement tout en favorisant leur bien-être sur les plans social, culturel et économique”. Sans toutefois préciser le budget alloué. Ces annonces sont-elles des plus prometteuses pour les francophones qui souhaitent s’installer dans la province ? Difficile de mesurer l’impact sur le marché du travail en constante mutation. Certains d’entre eux se butent souvent à des difficultés dans leur recherche d’emploi.
Des profils sur-diplômés
Florent Cornec, 26 ans, est arrivé en Colombie-Britannique en septembre 2023 et ne trouve pas de travail avec son diplôme d’ingénieur agronome français. “Il faut faire partie de l’Ordre des ingénieurs et pour ça, il faut suivre une formation pendant trois ans où un autre professionnel te suit et te note. Là encore, c’est difficile de trouver même à titre de débutant ”, explique le jeune homme. Pour mettre toutes les chances de son côté, il a payé une évaluation de son diplôme français qui lui donne une équivalence de “master en agriculture”. Une démarche qui lui a coûté près de 400$ mais qui n’a pas pour l’instant porté ses fruits. “J’ai choisi Vancouver mais je me pose la question de partir à Edmonton ou Calgary. Et même à Montréal”, confie-t-il.
Ici, il a répondu à une cinquantaine de candidatures de techniciens ou d’ingénieurs mais cherche aussi dans la vente ou la restauration. Comme d’autres, il se retrouve en concurrence avec tous ces travailleurs dits “non qualifiés“. Là où certaines entreprises profitent de la précarité des immigrants pour ne pas respecter le droit du travail. Vincent Catherine reconnaît ce “décalage” pour certains francophones sur-diplômés. “Il peut y avoir un doute sur les diplômes venant de l’étranger mais ça tend à disparaître, surtout pour les métiers en demande comme la santé où les certifications sont simplifiées”. Les jeunes immigrants font face aussi au coût de la vie très élevé dans la province. “Il y a une certaine désillusion pour ceux qui y voyaient un eldorado”, reconnaît le spécialiste en transition à l’emploi.
Près d’un million de postes ouverts en dix ans, selon la province
Pourtant, d’après les perspectives du rapport 2023 de WorkBC, la province prévoit une hausse de la demande d’emplois de 998 000 dans la prochaine décennie. Dont la moitié sera pourvue par des immigrants, d’après le document de WorkBC.
Parmi les cinq secteurs les plus en demande figurent déjà la santé et l’assistance sociale, les services professionnels, scientifiques et techniques, le commerce de détail, les services d’éducation et le secteur de la construction.
Ces secteurs en demande étaient bien représentés lors de la foire à l’emploi organisée au Pan Pacific Hotel à Vancouver le 18 janvier dernier. En faisant le tour, aucun employeur ne priorise les profils maîtrisant le français. Seuls les postes gouvernementaux comme la Gendarmerie royale du Canada indique dans ses prérequis la maîtrise d’au moins une langue officielle. “La compétence dans une deuxième langue n’est pas primordiale dans les métiers en tension”, concède Vincent Catherine.
Une réduction des quotas des travailleurs temporaires
Récemment, le gouvernement fédéral a même évoqué l’idée de réduire le quota des visas temporaires, notamment les étudiants étrangers. Ottawa a invoqué la pression que feraient peser ces catégories sur le marché locatif.
Cependant, Vincent Catherine reste optimiste pour la main-d’œuvre francophone. “L’année 2024 va être intéressante et peut être au bénéfice des francophones par rapport aux autres communautés d’immigrants. Avec les dernières annonces, on peut être confiant”, assure-t-il en mentionnant l’augmentation d’appels à projets.
Pour information : https://www.workbc.ca/sites/default/files/2023-11/MPSEFS_11803_BC_Jobs_LMO_2023_FINAL..pdf